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Suresnes Cités Danse : Abou Lagraa parle de « Dakhla »
La nouvelle création d’Abou Lagraa pour les 25 ans de Suresnes Cités Danse est un quatuor sobre et intense.
Danser Canal Historique : Avec Dakhla, vous devenez tour operator chorégraphique!
Abou Lagraa : Cette pièce est un voyage entre Alger, New York et Hambourg. D’où le titre, Dakhla, qui signifie « entrée ». Ce sont certes trois villes portuaires, mais surtout trois villes à l’énergie foisonnante. On voyage vraiment, d’un univers à l’autre. Je n’ai pas cherché à avoir un discours politique. Par rapport au projet initial, j’ai renoncé à un tableau consacré à Marseille qui trop semblable à Alger. Il y aurait eu de la redite. Et j’ai éliminé Supertramp qui apportait une touche trop ringarde. On passe donc de Prince à la musique algérienne du chaabi et au DJing hambourgeois de Mike Dehnert. Ce sont des contrastes forts, mais l’ensemble fonctionne bien!
DCH : Que cherchez-vous à transmettre des trois villes de New York, Hambourg et Alger?
Abou Lagraa : De New York, l’énergie et la musicalité. Je rends hommage à Prince même s’il n’était pas newyorkais. De l’Algérie, je relève plutôt son côté poétique et spirituel, et l’échange. De l’Allemagne, je retiens une musicalité qui reflète une grande précision, quelque chose de tiré au cordeau et plutôt froid que je restitue grâce aux lumières, et en même temps un côté très solidaire. Le point commun des trois est la mixité ethnique. A Alger aussi il y a, aujourd’hui encore, des Espagnols, des Syriens, des Chinois, des Egyptiens et bien sûr des Français. La musique chaabi a été créée par les Juifs et les Musulmans! Et il y a avait, avant, cette ambiance où un muezzin et un rabbin pouvaient se côtoyer. Cette utopie n’est plus, malheureusement. A Hambourg, comme à New York, il y a cette énorme tolérance vis-à-vis de l’autre. Quand je vois qu’à Hambourg on peut aujourd’hui construire des immeubles dans le quartier le plus chic de la ville pour y loger des réfugiés, je suis admiratif.
DCH : Comment différenciez-vous les trois villes dans la chorégraphie de Dakhla?
Abou Lagraa : Il s’agit d’imaginer comment les danseurs traverseraient les trois villes avec leurs corps. Ce sont des énergies différentes, et des écritures du mouvement et de la gestuelle qui se distinguent. Un langage très individuel pour New York, très méthodique pour Hambourg et un retour au calme et à la poésie pour Alger. Mais il n’y a aucun changement de costume ni d’autres moyens scéniques. Nous sommes dans une logique low cost, sans décor aucun, sans vidéo, avec des éclairages simples et des jeans et t-shirts comme costumes, et nous sommes donc à l’exact opposé du Cantique des Cantiques. Tout est dans l’écriture du mouvement. J’ai essayé de rester simple, ce qui n’est pas facile. Et je voudrais rendre hommage à Olivier Meyer. Il est très rare aujourd’hui de sentir un tel soutien, qui porte les artistes et leur donne du souffle et de l’énergie, et où l’artiste se sent vraiment libre.
DCH : Il y a des gens qui vous prennent pour un chorégraphe hip hop, ce qui ne vous définit pas correctement. Pourtant vous ne refuserez pas de nous présenter les deux interprètes hip hop de Dakhla ?
Abou Lagraa : C’est une pièce pour un couple de danseurs hip hop et un couple contemporain, dans une grande fluidité esthétique entre les uns et les autres. Les danseurs hip hop sont Nassim Feddal, le danseur grand et costaud que tout le monde avait remarqué dans Nya, et Amel Sinapayen qui j’ai retenue de la distribution de DoYouBe, la création de Nawal Lagraa présentée à Suresnes Cités Danse l’année dernière. Amel est une merveille de maturité, d’exigence et d’énergie. Je n’ai pas cherché à l’amener vers du contemporain, car j’aime sa précision et son côté amazone. La pièce est d’une grande exigence pour les danseurs, autant chorégraphiquement que physiquement, dans un déferlement d’énergie permanent sur cinquante-cinq minutes, si bien qu’on a l’impression qu’ils sont dix, alors qu’ils ne sont que quatre! Tout est écrit, il n’y aucun moment d’improvisation.
Thomas Hahn
Tournées
Dakhla, 25 mars, Théâtre des Cordeliers – Annonay - Agglo en scènes
Dakhla, 3 mai, Les Rencontres chorégraphiques de Carthage, Tunis, Tunisie
Dakhla, du 30 mai au 2 juin au Ruhrfestspiele, Recklinghausen, Allemagne
Dakhla, 1 date en octobre, festival Karavel, le Radiant, Caluire
Dakhla, 8, 9,10 décembre, Les Gémeaux, Scène Nationale de Sceaux