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A. Livingstone/N. Lauro : « Etudes hérétiques 1-7 »

Entre spectacle chorégraphique et installation, un symposium marin imaginaire, tendance féministe et ésotérique.

La danse est un espace ouvert aux rêves et permet souvent de plonger dans un univers inattendu. La chorégraphe Antonija Livingstone et la plasticienne scénographe Nadia Lauro en profitent à fond, même si le titre de leur création commune n’en laisse rien paraître: Etudes hérétiques 1-7. Voilà qui renvoie plutôt à leurs recherches dans les bibliothèques à New York sur les traces de Platon, en rêvant de symposiums et de « féminisme dandy ».

Toutes les études ayant été effectuées en amont, elles ne font ici plus de vagues, sauf de façon sous-marine et l’univers aquatique qui enveloppe le public est entièrement dédié aux sensations. Couleurs, sons, réflexions lumineuses et symboles s’allient dans un univers féminin qui accueille plusieurs représentations de Poséidon. Les performers paradent avec des boucliers carrés reflétant la lumière sur les murs comme le jeu des vagues ou laissant transparaître la personne, selon la perspective et les éclairages. Justement, des rangées de sirènes sont assises au plus près du public. Telles des plongeuses elles portent des lampes sous-marines sur le front.

Aquatique, mythologique et mystérieux, l’univers renvoie à nos rêves (on pourrait ajouter Bachelard aux références), aux fondements de la civilisation méditerranéenne, et même aux années 1970 et l’ésotérisme. Au fond un homme tresse un panier en osier, activité qu’on attribue surtout aux femmes. Des cloches marines et des coquilles géantes complètent l’univers sonore imaginaire qui parfois se matérialise.

Quand Lauro s’associe à Livingstone, la scénographie devient performance et inversement, dans une installation augmentée où l’œuvre circule, se mettant en perspective. De l’installation le binôme féminin maintient les présences figées, de la performance une certaine ambition dramaturgique.  Etudes hérétiques 1-7 aime à flouter les frontières entre spectacle chorégraphique et exposition, à l’instar d’Anne Teresa de Keersmaeker (lire notre article) ou  Xavier Le Roy dans leurs récentes performances à la Galerie Sud du Centre Pompidou.

Certes, chez Livingstone/Lauro, la proposition ne s’étend pas sur une journée entière et on n’est pas libre de traverser l’espace performatif. Mais on est finalement libre de choisir le moment de s’en aller et les frontières entre l’aire de jeu et l’espace des spectateurs sont plus perméables qu’ailleurs. De temps en temps, câlins et autres attentions sont dispensés aux spectateurs. Et on peut arriver à un point de bascule, où les impressions marines se saisissent du système perceptif tout entier. Dommage que la tendance spectacle chorégraphique finisse par couper court à l’immersion sensorielle. Au final, ces Etudes hérétiques naviguent entre deux eaux et perdent le cap, la forme de l’installation n’arrivant pas encore à bon port.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 3 décembre 2016 à Paris, Ménagerie de Verre, dans le cadre du festival Les Inaccoutumés et du Festival d’Automne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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