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« Roman (Tome 1) » de Nasser Martin Gousset
Voilà longtemps que l’on n’avait vu une création de Nasser Martin-Gousset, c’est donc avec plaisir que l’on a découvert Roman (Tome 1) inspiré de Women in Love, l’un des romans les plus sulfureux de D. H. Lawrence (adapté au cinéma par Ken Russell). Il met en scène deux sœurs Gudrun et Ursulla veulent s’émanciper et entament des liaisons avec deux hommes, Gerald, un industriel et Rupert, un intellectuel torturé. L’ouvrage s’attache non pas à décrire une idylle, mais à dépeindre les pensées intimes et immorales de chacun des personnages.
La version de Nasser Martin-Gousset, joue la simplicité et pourtant tout y est !
Le plateau est nu, seules quelques phrases du roman de D.H. Lawrence sont projetées, quelques images, le quatuor n’est pas en costume d’époque, pourtant l’atmosphère est, dès le départ, étouffante, la société ennuyeuse. Dans une économie gestuelle remarquable, le cadre est dessiné uniquement par les figures que les danseurs distillent plus qu’ils ne les exécutent. À tout moment, apparaît comme un flottement, des hésitations, comme si l’inéluctable pouvait se jouer autrement. Nasser Martin-Gousset a opéré un découpage subtil dans le roman de D.H. Lawrence, et a su le transposer intelligemment dans son traitement gestuel, dont on ne sait jamais s’il contredit ou corrobore le texte.
Ainsi, tout est suggéré plus encore qu’évoqué. Ainsi de ce « déjeuner sur l’herbe » inversé : la figure centrale est un homme habillé et non plus une femme nue, mais l’impudeur est secrétée par le texte qui détaille l’art de manger une figue avec des sous-entendus équivoques. On y retrouve un peu l’ambiance du film éponyme de Ken Russell, mais plus encore une atmosphère nordique à la Bergman dans des effets de fête nocturne, dans une atmosphère qui pourrait être celle du jour ou de la nuit éternelles, et dans ce désir jamais assouvi de transgresser le rôle où l’on est assigné.
La chorégraphie utilise la figure du quadrille sans jamais le calquer, mais profite plutôt des interpolations de partenaires que la danse suppose et surtout, fait tenir l’essentiel dans les regards échangés. Le thème central reste celui de l’amour impossible avec des relations qui se dissolvent aussitôt qu’esquissées. C’est par la valse que tout bascule, libérant ivresse et conflits. Les corps perdent alors le contrôle, et se laissent entraîner dans ce tournoiement infini, broyant les couples de son rythme inexorable, et surtout font apparaître d’autres possibilités sensuelles. La danse se fait alors fièvreuse et fulgurante. La lutte devient prémices d’une homosexualité révélée. Si la pulsion se libère dans des scènes plus sexuelles, l’émotion reste en lisière sans jamais déborder comme dans le roman, au fond très british dans son mi-dire, de D.H. Lawrence.
Roman (tome 1) est la première partie d’un diptyque. On attend donc avec impatience le Tome 2 !
Agnès Izrine
2 décembre 2016. Centre des Arts d’Enghien.
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