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Noé Soulier : « Faits et gestes »
Noé Soulier continue son exploration de la parole et du geste, depuis son spectacle fondateur, mouvement sur mouvement, très inspiré par les Improvisations Technologies de William Forsythe. Ici, s’il n’utilise pas plus que ça le vocabulaire de Forsythe (qui apparaît tout de même ici et là), il en reprend les procédés, notamment dans les règles d’improvisation à partir de phrases écrites mais qui peuvent être modifiées à tout moment dans leur ordre, leur agencement et leur interaction entre chacun des danseurs.
Ici, il ne s’agit plus de joindre le geste à la parole, mais de détacher le geste de son contexte ordinaire pour n’en garder que la qualité du mouvement, dépouillé de toute signification. « L’expression « faits et gestes » semble renvoyer à deux manières d’appréhender les actions d’une personne […] Dans Faits et gestes, nous explorons plusieurs manières d’appréhendre les mouvements des danseurs : comme des actions motivées par des buts pratiques, comme des gestes porteurs de sens et comme des mouvements dont on observe les caractéristiques formelles. » explique Noé Soulier dans le programme.
Le spectacle est donc une suite de mouvements plus ou moins abstraits, qui ressemblent souvent à des cas d’école. Ainsi, beaucoup de chutes et d’enchaînements à terre, sont repris en l’air, transposés sur d’autres plans. On peut également s’amuser à distinguer, dans certaines des actions proposées, la déclinaison de mots et de figures héritées du ballet classique : « jeté », « fouetté », « pointé » et même « ballon » sont ainsi sans cesse adaptés et déplacés, de leur sens le plus prosaïque, au pas codifié dans toute ses occurrences.
Que l’on distingue ou non ces effets sémantiques de termes et d’enchaînements, Faits et gestes met à l’épreuve une technicité explosive qui ne ménage pas sa peine. Les danseurs semblent projetés dans cette pièce de haute volée, comme des objets aérodynamiques, tout en impulsions, défiant la gravité pour mieux la subir.
Galerie photo © Laurent Philippe
Parfois même, le geste frise le mime. On se retrouve pris dans une drôle d’histoire genre Time’s Up où le candidat est censé vous faire deviner le mot « orchidée » en l’imitant.
Passant du solo au tutti, la chorégraphie varie en rythmes et en intensités, mais on ne distingue pas de véritable organisation du geste et toute cette déflagration de mouvements donne un ensemble plutôt décousu, que seul Nans Pierson arrive à transcender par sa qualité de danse. Finalement, le vocabulaire gestuel reste restreint et on attend en vain une évolution qui porterait plus loin la chorégraphie…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, et malgré le titre, geste et parole ne coïncident pas. Ou, tout du moins, le geste n’exprime rien d’autre que le geste.
Mais après tout pourquoi pas ?
Agnès Izrine
Le 16 novembre 2016 CND
Faits et gestes (création 2016)
Concept et chorégraphie, Noé Soulier
Avec Anna Massoni, Norbert Pape, Nans Pierson et Noé Soulier
Lumière, Léonard Clarys
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