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Xavier Lot à Instances : Interview
Welcome to Bienvenue est un solo engagé voire militant, qui dénonce la transformation de l’espace Schengen en forteresse administrative.
Après quatre années de tournée avec Welcome to Bienvenue, suivies de huit ans de pause, Xavier Lot et Bienvenue Bazié considèrent qu’il est temps de remonter au front. Au festival Instances à Chalon-sur-Saône, leur solo s’inscrit dans une série de formules qui secouent les conventions chorégraphiques et interrogent l’individu dans le monde actuel. Avec cette reprise, Xavier Lot renoue avec sa fibre africaine.
Danser Canal Historique : Xavier Lot, vous reprenez le solo Welcome to Bienvenue, écrit pour et avec le danseur burkinabé Bienvenu Bazié, alors que la dernière représentation a eu lieu il y a huit ans, et que nous sommes aujourd’hui douze ans après la création. Quelles sont les raisons de cette re-création?
Xavier Lot : Cette pièce parle, entre autres, de la difficulté d’accès de l’Europe pour les ressortissants du continent africain. Cela n’a pas changé, au contraire. Avec la montée des discours populistes et d’extrême droite qui nous envahissent à travers les média, il nous a semblé que ce solo est aujourd’hui au moins aussi pertinent qu’il y a douze ans et qu’il porte un langage qui nous permet de rencontrer les gens.
DCH : S’agit-il d’une reprise à l’identique ou d’une recréation plus libre?
Xavier Lot : Vous connaissez la dégradation des conditions de production actuelles. Nous avons pu passer cinq jours en studio, c’est tout. Nous reprenons le spectacle en l’état, mais bien sûr, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes, ni Bienvenue ni moi.
DCH : Comme vous l’avez souligné, la société aussi a changé, et avec elle probablement le regard sur la pièce.
Xavier Lot : Oui, je pense qu’elle va être regardée de façon beaucoup plus radicale, des deux côtés. Les discours se radicalisent, les positions modérées disparaissent. Nous ajoutons aujourd’hui systématiquement un bord de plateau. Avant la représentation à Instances, nous l’avons donnée deux fois. Beaucoup de gens nous rentrent dedans et nous accusent d’être des naïfs et des utopistes et de défendre des voleurs d’emplois. Mais ça leur permet de prendre position. Au moins, le fait de considérer la question à travers une personne et son corps, avec ce que les deux éprouvent, les aide à adoucir leurs propos, puisque nous nous adressons aussi à la sensibilité de tout un chacun.
DCH : Etes-vous resté en contact avec Bazié pendant les huit ans?
Xavier Lot : Bien sûr. En 2006 nous avons créé une autre pièce ensemble, Derrière les mur/murs, et nous nous voyons régulièrement. Il vit et travaille entre Bordeaux et Ouagadougou. Il a sa propre compagnie, Auguste-Bienvenue, avec Auguste Ouédraougo.
DCH : En effet, Bazié va présenter au festival Danse l’Afrique danse de l’Institut Français, qui se déroule juste après à Ouagadougou, Instances, une pièce de sa compagnie Auguste-Bienvenue, intitulée PerformerS.
Xavier Lot : Et il a monté une formation en danse qui s’appelle Engagement Féminin. Pour deux raisons. Premièrement, quand on arrive à un certain stade d’expérience dans les échanges entre l’Afrique et l’Europe, on se pose la question de savoir comment on peut retranscrire cette expérience ailleurs et aussi en faire profiter, en termes de formation, un continent où il y en a très peu. Deuxièmement, il a fait le constat qu’en Afrique le métier de danseur est un métier masculin. Les filles dansent jusqu’à l’âge de seize ou dix-sept ans. Ensuite on les renvoie à leurs rôles au sein de la famille. Engagement féminin existe depuis environ sept ans. Au début, il a encore pu trouver du soutien financier. Aujourd’hui il n’a plus rien, mais il continue néanmoins à donner des cours chaque année, pendant plusieurs semaines.
DCH : Comment avez-vous rencontré l’Afrique, qui est au centre de votre travail de chorégraphe?
Xavier Lot : J’ai fait ma première expérience avant même de danser, quand j’étais jeune, en traversant le désert en voiture. C’était mon initiation à la vie et la mobilité. En tant que danseur, c’était par la pièce Pour Antigone de Mathilde Monnier. Elle m’aimait bien en tant qu’interprète. En plus, ma connaissance de l’Afrique centrale et de l’Ouest n’était pas inutile pour ce spectacle. Elle m’a donc fait travailler avec les six interprètes qui venaient du Burkina, dont bien sûr Seydou Boro et Salia Sanou avec lesquels j’ai continué à collaborer par la suite. Et j’ai souvent été invité par les Instituts Français pour dispenser une formation, justement parce que j’avais la réputation de savoir travailler à partir d’un langage de danse existant, en l’occurrence un langage d’Afrique. A l’époque, les directeurs des Instituts Français étaient encore libres de leurs choix artistiques, alors qu’aujourd’hui tout est décidé depuis Paris. Aujourd’hui on ne me considère plus comme digne de l’Institut Français. Je suis un peu trop autonome. (rires)
Propos recueillis par Thomas Hahn
Au festival Instances, le 23 novembre 2016, 19h, Conservatoire du Grand Chalon
http://www.espace-des-arts.com/la-saison/instances_15/welcome-to-bienvenue
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