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« Catania Catania » d'Emilio Calcagno
Pour un retour au pays natal, une pièce entre excès d'accumulation et déchirure des tensions.
Concernant Emilio Calcagno, il ne faut pas se tromper d'adresse. Marqué par son parcours auprès d'Angelin Preljocaj, ce chorégraphe est solidement arrimé sur le versant de "la danse qui danse". Rien ne l'aura concerné dans les mises en doute, les remises en cause, du courant critique apparu dans la danse française au milieu des années 90. Chez Calcagno, le geste dansé véhicule une croyance inaltérée dans les canons du "beau". Les corps ne sauraient y être exposés – voire sur-exposés – que sous leur jour le plus avantageux. Cela passe notamment par des extensions, frôlant l'exaltation de la pamoison. Quand on le ressent joué, mimé, exécuté comme par convention, on peut éprouver beaucoup, beaucoup de mal, à y adhérer.
Mais voilà que ces caractéristiques semblent opérer un retournement paradoxal, lorsqu'on les observe dans Catania Catania, la dernière pièce d'Emilio Calcagno. Dix interprètes, dont une majorité de Siciliens, sont engagés dans cette évocation de la ville d'origine de ce chorégraphe. Encore jeune, il en aura fui le labyrinthe des tensions, des oppressions, pour pouvoir se réaliser dans la danse en France.
Catania Catania est la pièce du grand retour, vingt-sept ans après cette fuite. Une pièce à grands remous. Elle agite avec force ce qui, dans le souvenir, puise directement dans l'embrasement des sens. A cet endroit, on ne doute plus d'une résonance certaine, pertinente, de la surexpressivité démonstrative, la fuite en avant cumulative, qui caractérisent l'écriture d'Emilio Calcagno.
Galerie photo © FEN Photography
Celui-ci sait malaxer l'espace, pour y faire émerger des combinaisons en lignes, des tableaux mouvants, des sillonnements processionnaires. On y ressent la puissance accablante des rétables baroques, la gravité poignante des processions ; non sans éclats de figures grotesques, ou fantastiques. Cela se tourne vers le passé, voire l'archaïque. Mais Calcagno n'ignore pas que la jeunesse de Catane est jeune tout autant aujourd'hui. Alors cela déborde dans des pressions techno, et beats de jazz-dance, de discothèques. Dans cette houle, souvent surchargée, parfois formelle, frémit l'effervescence des désirs, jamais très éloignée de redoutables pulsions de violence socialement entretenue.
On peut reprocher à Emilio Calcagno le fait de cultiver la nostalgie d'une danse de plateau forcée de se donner en jolies petites tenues sexy. On ne pourra pas lui reprocher de s'être enfermé dans la nostalgie d'une vision folklorique, doucereuse de son pays. Au contraire il le fait voir rugueux, strié de passions, gorgé de sensations, sublime, trouble et redoutable. Assurément une pièce maîtresse.
Gérard Mayen
Spectacle vu le mardi 25 octobre au Théâtre de l'Archipel (Perpignan).
Prochaine représentation à Chalon-sur-Saône le 18 novembre 2016 dans le cadre du Festival Instances.
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