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« Monument 0 : Hanté par la guerre (1913-2013) » d’Eszter Salamon 

Les danses qui hantent le dernier spectacle d'Eszter Salamon ne sont pas extraites d'un livre d'histoire. Car l'histoire de ces danses ne figure dans aucun livre, n'est pratiquée dans aucun cours, n'est discutée par personne.

Difficile donc de savoir avec précision d'où proviennent ces formes populaires ou tribales que la chorégraphe fait ressurgir des tréfonds de la mémoire collective. Elles habitent la danse macabre et guerrière de Monument 0, où Salamon nous embarque dans un train fantôme dansé, entre expressionisme et tribalisme. Il est vrai qu’on éprouve rarement un tel sentiment de surprise, de choc esthétique et culturel face à une pièce de danse.

Galerie photo © Ursula Kaufmann

Reproduire le trouble qu’ont pu provoquer des œuvres-clé comme Le Sacre du printemps ou les pièces de Mary Wigman n’est pas une mince affaire.Ici, nous y sommes.

Salamon nous laisse largement le temps de rester abasourdis et fascinés par les sauts, les costumes, les visages de morts, l’éclat des couteaux ainsi que par les sons gutturaux et animaliers qui sortent des gorges et des ténèbres.

La multiplication des signes, de la monstruosité aux vanités, de la présence de la mort à l’animalité, convergent vers une humanité partagée et font resurgir les sphères refoulées. La portée anthropologique et philosophique de cette création dépasse l’ordinaire. Le caractère non-identifiable des traditions convoquées pour ces danses ouvre vers une abstraction qui exclut tout exotisme primaire et renvoie le spectateur directement vers lui-même.

Avec cette approche méta-ethnique, nourrie des danses traditionnelles de plusieurs continents, faisons-nous face à la représentation d’un fantasme colonial ou à une exploration humaniste dans l’esprit universel d’un Jean Rouch ou d’un David Le Breton ?

Ces morts de guerres coloniales ou autres, ces êtres encore liés à un état radical de l’humanité dont nous voyons ici danser les fantômes, peuvent-ils nous interroger davantage sur notre vie actuelle ?

Eszter Salamon nous rappelle que la danse des corps n’a pas qu’une fonction guerrière, mais aussi une fonction politique qui nous parvient ici avec une immédiateté certaine.

 

Présenté par le Maillon et POLE-SUD
Du 16 au 18 novembre à 20h30 au Maillon-Wacken Strasbourg  : 03 88 39 23 40 – 03 88 27 61 81
maillon.eu
http://www.pole-sud.fr/

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