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Festival Actoral, Jan Martens au Ballet National de Marseille

Depuis toujours, Hubert Colas célèbre la diversité des écritures contemporaines, aussi bien en théâtre, danse et art plastique. Avec The Commom People de Jan Martens, il prouve que cette édition est fidèle à ses ambitions.

Auteur, comédien, metteur en scène, fondateur et directeur du festival Actoral de Marseille, Hubert Colas signe une 16 ème édition fidèle à lui-même. C'est-à-dire déplacer le regard vers différentes formes d’expression, inventer de nouveaux partages et recevoir des artistes qui sauront, à leurs manières, offrir les joies et le désir d’aller de l’avant.

« Le renforcement de l’art et de la culture est sans doute une des solutions aux désordres planétaires. Un champ plus humain doit s’ouvrir devant nous. L’éducation et la transmission d’un nouvel humanisme sont plus fondamentales que jamais » souligne t’il dans son éditorial.

Avec pour la première fois un parrain plasticien, Théo Mercier, dont les œuvres sont exposées au Musée d’Art Contemporain, Actoral propose depuis le 27 septembre et jusqu’au 15 octobre, soixante-huit projets pour près de cent rendez-vous qui se déroulent dans de nombreux lieux de la Cité Phocéenne. Spectacles, performances, mises en espaces, lectures, une revue, projets musique, cinéma et arts visuels sont élaborés autour d’un focus sur la diversité et la vitalité de la création en Belgique flamande et francophone.

D’où la présence du chorégraphe Jan Martens pour une première française plutôt étonnante de The Commom People, qu’il signe avec Lukas Dhont. Partant du constat que, dans notre société, les personnes sont de plus en plus connectées par écran interposé, ils proposent de provoquer des rencontres, de lier des gens de manière plus profonde, à la fois humainement et physiquement, au travers d’un projet participatif qui est tout à la fois un workshop, une performance, une installation et une expérience sociale.

Quarante amateurs de tout âge confondu ont répondu à l’annonce du chorégraphe. Durant une semaine, deux groupes de vingt ont travaillé dans des studios différents du Ballet National de Marseille et à des heures différentes afin de ne jamais se croiser. Le soir de la représentation, ils se découvrent deux par deux lors de scénettes surprenantes.

Déjà, il y a deux méthodes pour entrer en scène. Soit on vient les chercher afin de les placer au centre du plateau puisqu’ils ont les yeux fermés. Soit un oui leur donne le top pour s’introduire. Et là, ne se connaissant absolument pas, ne sachant absolument pas ce que va faire l’autre, ils font des enchainements de mouvements qui s’emboitent formidablement bien. Ils se touchent, se palpent, se portent, se couchent… ceci dans une lenteur remarquable qui leur permet de se découvrir. Un lien magique opère. Que ce soit entre deux femmes ou un couple mixte, le tout engendre non seulement une intense douceur, mais surtout, met en éveil tous les sens et perceptions. En vingt séquences sont développés la domination, l’amitié, la tendresse, l’étonnement, l’humour, tout cela grâce à des actes simples comme toucher la peau de l’autre sous son tee shirt, ôter les chaussures de son partenaire et lui remettre ensuite, se déshabiller et voir ainsi une ravissante jeune fille terminer en culotte et soutien-gorge et son acolyte en caleçon qui saluent main dans la main. Un homme âgé semble retrouver sa fille tant leurs regards sont emplis d’amour. Deux femmes se portent avec une profonde amitié et dans le sens contraire, une autre impose sa loi. Et surtout, à la fin de chaque duo, ils se présentent en se nommant.

The Commom People ©  D.R.

Mais la représentation qui dure deux heures trente est aussi ponctuée par d’autres éléments. C'est-à-dire qu’après chaque échange, le rideau du fond de scène s’ouvre et fait apparaître de petites colonnes où sont installés les téléphones portables des interprètes. Ainsi, il est recommandé aux spectateurs d’aller y jeter un œil et de découvrir à travers cet objet l’intimité des « artistes ». D’autre part, on peut aussi sortir boire un verre au bar, revenir quand on le désir, et tous ces mouvements de salle font partie intégrante du spectacle. Ils créent un rapport amical car une fois dehors on se parle, on échange nos impressions et Jan Martens obtient le désir escompté, c’est à dire retisser des liens entre les êtres.

Cette idée très originale est étonnante, surprenante, émouvante et drôle. On pourrait même avouer qu’elle fait du bien tant cette pièce prouve à quel point la plupart des gens ont oublié de regarder les autres, de les écouter, de tenter de percevoir leurs sentiments, leurs vies, leurs joies et leurs drames.

Ces deux heures trente s’écoulent comme un long fleuve tranquille qui rassure et démontre que l’Homme est encore capable d’être humain et d’oublier durant quelques instants ses connections par smartphones et ordinateurs interposés.

Outre les représentations le public peut rencontrer les artistes français et internationaux (venus de quatorze pays) au Montévidéo, un lieu chaleureux créé par Hubert Colas où l’on peut dîner ou simplement discuter. On l’aura compris, Actoral est un festival dans tous les sens du terme, entre créations françaises et internationales d’œuvres qui abordent des sujets contemporains et cordialité entre les artistes et le public.

Sophie Lesort

Le Festival Actoral jusqu’au 15 octobre

Exposition de Théo Mercier jusqu’au 29 janvier 2017 au Musée d’art contemporain de Marseille Radio Vinci Park, mis en scène par Théo Mercier et François Chaignaud à la Friche les 14 et 15 octobre
Une mouette et autre cas d’espèces, mis en scène et scénographie d’Hubert Colas du 12 au 22 janvier 2017 au théâtre des Amandiers à Nanterre.

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