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Jonctions de François Laroche-Valière

 

Depuis plusieurs années déjà, le Centre d'art contemporain (CAC) de Brétigny-sur-Orge, accueille le travail de chorégraphes sur la longue durée. Il y a là un engagement concret, à questionner la notion d'exposition par l'intervention chorégraphique (et réciproquement), qui est à saluer.

François Laroche-Valière vient d'y présenter Jonctions, associant Situation I et Situation II (cette dernière en création). Dans "Situation" il faut savoir déceler la racine "situ", qui renvoie au site, à la manière de se situer ; artistiquement parlant, aux questions des œuvres in-situ.

François Laroche-Valière, Jonctions Situation I, @Steeve Beckouet

Le CAC de Brétigny est un cube blanc archétypique des galeries d'art contemporain (quoique d'un volume plus intéressant que strictement cubique). Mais il est mitoyen, à travers des murs que des portes permettent de franchir, du théâtre de Brétigny, lui archétypique de la boîte noire du lieu de spectacle. Les Jonctions de Laroche-Valière cultivent cette correspondance paradoxale dans les dispositifs de représentation, en provoquant incessamment la circulation des spectateurs de l'un à l'autre de ces deux espaces, y développant la performance sur le mode de l'installation.

Au demeurant, lorsque cela se déroule sur le plateau du théâtre – et même si l'accès aux gradins y est empêché – la portée du geste tend à s'appauvrir un peu, en se rabattant sur les conventions spatiales familières de la représentation spectaculaire. Cela tout du moins si on regarde le monde avec les yeux – le corps et l'esprit – d'un spectateur professionnel habitué à vivre dans les théâtres.

Dans la boîte blanche en revanche, le déploiement des perspectives se fait plus excitant. Cela d'autant qu'une ample baie vitrée ouvre sur le vaste espace urbain alentour, tandis que le cube blanc est lui-même altéré et modulé par quelques œuvres de plasticiens, qui l'habitent à la façon d'un mobilier détourné de l'utilitarisme plat des mobiliers ordinaires.

Quelque chose est déjoué dans cet espace, et l'intervention de Laroche-Valière s'octroie près de trois heures  pour engager ses spectateurs dans une expérience de dilution de leurs repères temporels et spatiaux conventionnels. Intimiste et minimaliste, la performance est alors toute entière partagée, qui va de l'échappée à la concentration, de la lassitude à la contemplation, à jamais à nulle autre pareille.

Deux danseurs, tour à tour ou conjointement, en boîte noire ou cube blanc, très proches ou plus lointains (chaque spectateur se déplace à sa guise), suspendent un geste rare, incisif et sobre, porteur d'un jeu de volumes mouvants à la trace d'un corps stylet, sur une subtile modulation tranquille d'intensités dynamiques et faibles variations rythmiques, dans une dramaturgie de la constance du lien égal au lieu, inspirant une étrangeté d'apparitions.

A ce jeu, souvent fascinant, on se prend à songer à un tout ailleurs de l'ici maintenant ; cela particulièrement en ce qui concerne Xiaofeng Mou, danseur chinois pour qui l'arrivée en France paraît tout avoir d'une bascule existentielle, au plus profond des significations du geste (cela dit sans négliger en rien l'altière justesse, par ailleurs, de son partenaire Alexandre Galopin).

Gérard Mayen

 

 

 

 

 

 

 

 

Jonctions
Situation I - Situation II (création)

8 - 22 septembre 2013

 

poster                                                 

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