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Programme Peck / Balanchine à l’Opéra Bastille
Chorégraphe résident au New York City Ballet depuis 2014, Justin Peck présentait une création Entre chien et loup, juste après In Creases, ballet de 2012 entré au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en avril dernier. Pour cette création, il a fait appel au plasticien John Baldessari et à la styliste Mary Katrantzou. Le résultat est une réussite.
L’œuvre de Baldessari Rollcoaster – 1989-1990, projetée en fond de scène est animée par de francs aplats lumineux (signés Urs Schönenbaum), très contrastés, tandis que les costumes s’inspirent de son univers. D’abord par la disparition des visages, remplacés par des points colorés, comme dans ses photos où ils sont remplacés par des pastilles. D’autre part par des linéaments colorés dessinant des figures géométriques courbes sur les costumes noirs très élégants de Mary Katrantzou. L’ensemble est un vrai travail plastique qui rehausse avec nuance la chorégraphie.
Celle-ci, est, pourrait-on dire, très analytique. Le vocabulaire est classique, son utilisation ne l’est pas. Tout en ruptures, les rapports entre individualités et collectif se chevauchent intelligemment. Construite manifestement de manière rigoureuse, avec des schémas plutôt géométriques, la structure fait d’abord ressortir une liberté des corps, un jaillissement de l’instant. Bien sûr, le rapport au magnifique Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre de Francis Poulenc n’y est pas pour peu.Justin Peck suivant de très près les arcanes de la composition musicale.
Ainsi, un duo se dissocie presque instantanément de l’ensemble du début, comme les deux pianos entrent d’emblée dans le concerto. Ce sont des ces lignes flexibles qui se croisent et s’enchevêtrent, avant de se démêler pour poursuivre leur route que s’inspire clairement la chorégraphie. Mais elle est à la hauteur de ses ambitions. Si la partition de Poulenc évoque le Gamelan balinais entendu à l’Exposition Coloniale de 1931 grâce à la virtuosité des deux pianos (époustouflants Franck Braley et Emmanuel Strosser), la chorégraphie de Peck sait infuser quelques accents asiatiques discrets à sa gestuelle. Mais on y entend aussi des airs qui suggèrent la fête foraine (comme dans le tableau de Baldessari) et une certaine impertinence acidulée très années 30. Et là aussi, Justin Peck sait le traduire avec finesse.
La gaîté de la musique, même si elle s’obscurcit parfois d’un nuage, fait le reste et on se laisse porter avec intérêt par cet Entre chien et loup qui n’a pas grand chose de crépusculaire.
On n’en dira pas autant du maître de Justin Peck (et de Benjamin Millepied) à savoir le Brahms-Schönberg quartet de Balanchine. On serait même tenté de dire le contraire, à savoir que faire recréer les costumes par un grand couturier, en l’occurrence Karl Lagerfeld, ne suffit pas à sauver une œuvre médiocre. Composé sur les quatre mouvements du Quatuor pour piano n°1 en sol mineur de Brahms orchestré par Arnold Schönberg, le ballet en quatre parties ne convainc pas.
Photos : Francette Levieux / OnP
Il a un côté passéiste – même pour Balanchine – qui décidemment ne passe plus en 2016. La musique a quelque chose de boursouflé (l’orchestration ?), tout comme les tutus jolis mais un peu old style de Lagerfeld. Et surtout, autant les danseurs d’Entre chien et loup ont fait la démonstration de la qualité de la troupe de l’Opéra de Paris, autant ceux qui dansaient Balanchine semblaient avoir manqué de répétitions. On a vu un festival de « loupés » et d’ « à peu près » qui finissaient par faire passer le ballet pour un pastiche. Le dernier mouvement, vaguement tzigane, est d’un ridicule chorégraphique consommé et on se demande bien qui a pu indiquer aux danseuses de lever les yeux au ciel comme les filles du Lido à chaque grand battement. Bref, il y a des ballets de Balanchine qui feraient mieux de rester dans l’oubli que d’être remontés. L’Opéra de Paris en possède suffisamment d’excellents sur les trente inscrits au répertoire pour ne pas faire les fonds de tiroir.
Agnès Izrine
Du 2 au 15 juillet 2015 - Opéra Bastille
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