Add new comment

C’est dans le cadre serein de la Fondation Cini qu’était proposé Outlander, en Première mondiale. Dans la salle du Réfectoire de la Fondation construite par Le Palladio, les danseurs évoluaient devant rien moins que Les Noces de Cana de Veronese... En fait, il s'agit d'une copie, l'original étant exposé en ce moment au Musée du Louvre à Paris !

Shobana Jeyasingh, chorégraphe anglaise, a construit cette pièce comme un écho a ce lieu chargé d’art et d’histoire. Face à l’exubérance de la peinture de Veronese, le scénographe et designer Sander Loonen a choisi la sobriété. Le public était logé de part et d’autre d’une plate-forme tout en longueur, telle une sorte de CatWalk ou plutôt de table de couvent, reflétant, d’une certaine façon, le thème du tableau.

Comment un groupe d’étrangers, d’"Outlanders" – que sont les danseurs et les spectateurs – peuvent-ils faire écho à une toile de cette envergure ? Entrer en harmonie avec l’espace créé par Le Palladio et Veronese ?

La gestuelle reprend discrètement les poses et les figures des Noces de Cana. Sur le podium, Avatâra Ayuso, Sunbee Han et Sooraj Subramaniam se succèdent.

La première évoque immédiatement les courbes et les flexions picturales de Veronese. Volontiers dans l’offrande, la stase, la chorégraphie met en valeur le charnel d’une danse plutôt extatique et sculpturale. Une deuxième danseuse s’élance tandis que la lumière passe du bleu ciel au magenta.  Beaucoup plus neutre, plus actuelle, elle joue davantage sur le contraste que sur l’empathie avec l’environnement. Enfin, un danseur en pagne rouge apparaît. Ses poses évoquent un kathak remanié. La chorégraphie nous plonge alors dans l’actualité d’une Angleterre multiculturelle, où les gestes et les danses circulent, où le terme même d’étranger perd de son sens. Les trois interprètes se croisent dans un univers contemporain qui brasse les images et les modèles, sous le regard imperturbable de Veronese.

Agnès Izrine

17 juin 2016. Biennale Danza, Fondation Cini.