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Mizel Théret : “Hiru zitroin lur hotzean”
Une femme pose trois citrons sur le sol. Deux hommes arpentent un espace-temps au-delà des montagnes imaginaires. Et en posant les citrons, les deux hommes et deux femmes posent aussi une question : une contemporaine danse basque existe-t-elle ?
Sur fond de chants d’amour basques, Hiru zitroin lur hotzean (Trois citrons sur le sol froid) explore les liens humains à travers leurs grandes émotions et la volonté d’affronter la souffrance autant que le bonheur. Les pieds fermement enracinés, comme dans le sol de la montagne, le geste lent, grave et pourtant plein de vitalité, deux couples décortiquent et dépouillent un vocabulaire traditionnel pour le traduire en lignes droites, en courbes régulières ou en angles parfaites. Tout est fluide, comme animé par un souffle régulier qui se joue des aléas de l’instant. Théret chorégraphie le climat, pas la météo. Par son travail précédent, « Je me souviens », une pièce pour et avec les trois doyens de la chorégraphie basque âgés de soixante-quinze à quatre-vingt-dix ans, le chorégraphe né en Pays Basque a profondément modifié son rapport au temps. Son approche de la mémoire collective a gagné la puissance et l’élégance des sculptures de Jorge Orteiza dont l’une, particulièrement massive, domine la place Bellevue de Biarritz. Et il n’est pas anodin d’en noter le titre : « La ferme basque ». Cet assemblage de barres carrées est fait en acier corten lequel, avec sa rouille, protège l’acier de l’oxydation.
La danse de Théret relève du même paradoxe. Par le lien avec le terroir et la tradition, immédiatement palpable, elle redonne vie, authenticité et véracité à un vocabulaire de danse contemporaine qui, chez d’autres, frôle souvent l’académisme. C’est donc la tradition qui réanime le contemporain. Aussi, Théret, ici également sur le plateau en tant qu’interprète, se forge une place particulière dans le paysage, à un endroit qui correspond parfaitement à sa position actuelle par rapport à son histoire personnelle et collective, au moment où il est lui-même en train de basculer vers la génération de référence qui incarne la tradition, aux yeux des jeunes. Cette relation organique est le secret d’une danse profondément émouvante dans sa lenteur, sa simplicité et sa profondeur, une danse qui respire l’humilité d’un rythme de vie hors du temps et donc une dimension universelle, avec des touches japonaises, voire africaines, renvoyant aux peuples liés à la terre. Pour ensuite exploser dans une joie de vivre qui n’oublie jamais tout ça.
Thomas Hahn
14 septembre 2013 - Festival Le temps d’aimer, Biarritz, Théâtre des découvertes
Distribution
Direction artistique : Mizel Théret
Montage sonore : Raul Garcia Etxebarria
Lumières : Frédéric Bears
Danseurs : Eneka Bordato Riaño, Gaël Domenger, Johanna Etcheverry & Mizel Théret
Musiques : Beñat Achiary (Chants), Sofia Gubaidulina, Pascal Gaigne, Evan Parker & Pello Ramirez
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