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« Le Corsaire » par l'English National Ballet
Créé initialement en 1856 dans une chorégraphie de Joseph Maziliier et une musique d’Adolphe Adam, Le Corsaire sera repris en 1867 lors de l’Exposition Universelle, ancrant le ballet dans la veine exotique et orientaliste qui va séduire le monde occidental jusqu’au milieu du XXe siècle. Le sujet, inspiré par le poème de Lord Byron n’a plus qu’un rapport lointain avec lui. Tout ce que les librettistes en ont retenu sont les noms des personnages, et le lieu mythique de l’action.
La version présentée par l’English National Ballet est celle qui a été remaniée par Jules Perrot et Marius Petipa et conservée en Russie et remontée par Anna-Marie Holmes d’après Sergueïev et Petipa. L’évolution du ballet est d’ailleurs complexe tant l’original a été altéré par les apports successifs tant au niveau de la chorégraphie que de la musique qui comprend aujourd’hui des ajouts de neuf compositeurs dont les célèbres Pugni, Delibes, Drigo, Minkus auxquels se joignent quelques aristocrates…
L’histoire est compliquée à souhait et convoque odalisques et marchands d’esclaves, corsaires et pacha et se situe dans l’Empire Ottoman entre un repère de corsaires et le sérail du pacha. Le tout donne lieu à des morceaux d’anthologie de la danse classique.
Photos Ula Blocksage
Dans ce ballet hyper narratif aux décors qui jouent le technicolor fatigué, l’English National fait merveille. Les solistes sont exceptionnels, à commencer par son étoile et directrice Tamara Rojo, belle Medora, à la technique fabuleuse. Les autres rôles ne sont pas en reste, Isaac Hernandez est un magnifique Conrad, Cesar Corrales un époustouflant Ali (pour lequel est créé le célèbre « pas d’action » et variation de concours), Shiori Kaze une émouvante Gulnare, et Yonah Acosta et Ken Saruhashi tiennent superbement les personnages de Birbanto et Lankedem.
Ils font du Corsaire un ballet drôle, enlevé, virtuose qui communique à tous la joie de danser. Loin de l’École Française, qui prône le dédain de la prouesse, ce Corsaire possède bien des traits de l’Ecole Cubaine : rapidité extrême des tours, ampleur et abondance des sauts, richesse du vocabulaire virtuose. Tamara Rojo enchaîne avec une facilité déconcertante des fouettés doubles et triples, tout en gardant des positions parfaites (notamment dans les tours attitudes), Shiori Kase déploie bras et jambes dans des étirements délicieux, Cesar Corrales se joue de rivoltades et de grands jeté entrelacés, tandis que Issac Hernandez, Ken Saruhashi ou Yonah Accosta sont les as des grands jetés en tournant et autres grands sauts spectaculaires. Les portés sont littéralement acrobatiques, les ensembles impeccables.
Photos Ula Blocksage
C’est un vrai plaisir de les voir danser, jouer la pantomime (mention spéciale au Pacha de Michael Coleman !) avec un entrain qui ne se dément pas tout au long de la soirée.
Agnès Izrine
21 juin 2016, Opéra Garnier
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