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« Voronia » La Veronal à Chaillot

En avril 2014, Chaillot accueillait pour la première fois en France le collectif La Veronal, avec la mystérieuse et glaciaire Russia. La compagnie, basée à Barcelone, sonde aujourd’hui, d’un geste chorégraphique et cinématographique, les entrailles de nos terres intérieures etles fondations de nos croyances pour en révéler les vices. Saisissant.
Après les spectacles Russia, Moscow, Islandia, Siena ou encore Portland, La Veronal quitte la surface de la Terre et s’enfonce sous l’écorce du globe. Krubera-Voronia, située dans l’ouest du Caucase, est la grotte naturelle la plus profonde connue à ce jour. Marcos Morau, chorégraphe et directeur de la compagnie, traduit en mouvements son regard sur le monde : un oeil photographique ancré dans le présent, capteur des géographies terrestres et humaines, créateur de paysages et d’émotions. La cavité et ses mystères inexplorés se fait allégorie de notre abîme viscéral, antre de la religion et caverne philosophique. Si Russia parcourait la peur, Voronia arpente la morale par la dualité entre bien et mal. L’homme a créé les religions pour définir un système de valeurs qui régule ses actions, un pouvoir suprême qui le soulage du doute. Du moment où il a été capable de tuer au nom de Dieu, était-il inévitable qu’un jour la victime soit Dieu lui-même ? Sur le chemin menant à la caverne, à la fois refuge et enfer, les vérités sont d’insondables énigmes. Dans des symboliques contrastées fusent le mouvement, le mot et l’image : les corps labyrinthiques contorsionnent le geste classique, distordent le sens pour en puiser l’essence intelligible. La danse, décalée, dépouillée et puissante, invite chacun à saisir les signes et leurs résonances dans ce monde troublé et troublant.

 

La grotte de Krubera Voronia a été choisie comme allégorie de cet enfer, représentée sur scène par une symbolique forte où des silhouettes et des images, telles des empreintes et des balises sur ce chemin faiblement éclairé, sont chargées d’énigmes et de contradictions, et dont la réalité est perpétuellement remise en question. Comme dans l’allégorie de la caverne de Platon, les formes discernées ne sont que des mirages de leur essence réelle, sans véritable forme, glissant sur la pierre.

La Veronal suit le tracé labyrinthique des éléments de sa dramaturgie, créant chez le spectateur une expérience passionnante à travers la rencontre explosive entre danse, texte et image, où chaque individu trouve sa propre représentation. Tous les éléments scéniques dans Voronia se côtoient dans une relation conflictuelle permanente où  ne peut être tranchée ou clarifiée la frontière entre ce qui doit être et ce qui est vraiment. Le spectateur a constamment besoin de décrypter les codes des images présentées, sous-entendues, lesquelles sont vite détruites et remplacées par un revirement dramatique qui vient contrarier toutes ses attentes. Pour contraster avec ce duel figuratif, le mouvement dansé est également dirigé sur cet axe dramatique de rupture sémiotique.

La danse de Voronia déconstruit minutieusement l’enchaînement organique qui devient une réfraction profonde, un conflit du corps avec lui-même, un cri sans voix qui avance le plus loin possible sur le chemin de la performance suprême pour accéder au monde intelligible.
 

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