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« Dancing Museums » investit le Louvre
Cinq chorégraphes contemporains, dont Tatiana Julien, font danser des amateurs dans les salles des antiquités orientales : Prière de ne pas détruire
Initié par le La Briqueterie - CDC du Val-de-Marne, Dancing Museums regroupe cinq chorégraphes travaillant avec des danseurs amateurs dans huit musées répartis sur cinq pays européens. Il s’agit de l’un des (très, très) rares projets (seulement deux sur cinq cent candidats, selon La Briqueterie) à avoir obtenu un financement dans le cadre du programme Creative Europe.
« Dancing Museums est un projet sur deux ans, une coopération entre le CDC La Briqueterie, quatre centres chorégraphiques européens, le MAC-VAL de Vitry-sur-Seine et le Louvre. Le projet est né en juin 2015. L’idée est que le spectateur devient acteur, dans la réception autant que dans la création. Nous avons passé commande à cinq jeunes chorégraphes de cinq pays européens pour explorer de nouvelles méthodes d’interaction avec le public », explique Elisabetta Bisaro qui coordonne le projet au sein du CDC La Briqueterie.
Parmi les chorégraphes de Dancing Museums, on trouve la Britannique Lucy Suggate, l’Italien Fabio Novembrini ou encore le Colombien Juan Dante Murillo, installé en Autriche. Parmi les structures, le Sioban Davies Dance et la National Gallery de Londres ou Dansateliers d’Amsterdam, D.IDS Dance Identity d’Autriche, le Museo civico & Palazzo Sturm de Bassano del Grappa et autres. Dans chaque musée, le ou la chorégraphe originaire du pays d’accueil mène le bal, mais tout le groupe initie les amateurs.
Au Louvre, en Salle Mésopotamie, les cinq chorégraphes et la douzaine de participants ont répété pendant toute la semaine pour offrir leurs actions chorégraphiques aux visiteurs, le soir du 18 mars. Marquer de sa présence le sol, l’espace et les œuvres exposées, voilà qui demande à chaque participant une conscience aigüe de son corps et de son énergie. Où tous les regards se portent sur les vestiges et les statues antiques, Tatiana Julien demande aux interprètes de s’allonger par terre, pour révéler le sol, grand oublié de la parade des curieux.
Connor Schumacher, chorégraphe américain installé aux Pays Bas, les fait travailler sur leur lien aux statues en vitrines qu’ils contournent en unisson. Face aux Taureaux ailés de la Salle du Thrône, on se couche en triangle comme pour répondre au mythe antique par un symbole chorégraphique tout aussi monumental. « Il faut suivre tout le parcours, de 19h à 21h, car il y a une vraie dramaturgie », prévient Tatiana Julien.
Dans ces salles, la danse peut dialoguer avec un vrai univers, et trouve des espaces suffisamment larges. Mais si son projet s’intitule Prière de ne pas détruire et investit, en partie, la salle de la cour de Dur-Sharrukin, aujourd‘hui appelée Khorsabad et située près de Mossoul, il ne s’agit pas uniquement d’un rappel des destructions d’œuvres antiques entreprises par des talibans ou Daech : « Je veux confronter cette civilisation, vieille de plusieurs millénaires, avec son rapport au monde, à notre regard d’aujourd’hui où le rapport à l’art prend la place du lien au culte de l’époque. »
Le sens d’une action chorégraphique dans le contexte du Louvre consiste aussi à modifier la perception des œuvres. « Un visiteur passe en moyenne quatre à six secondes devant un tableau », rappelle la chorégraphe qui rappelle qu’un autre rapport au temps est possible: « Une de nos sources d’inspiration a été le discours de Malraux tenu à l’inauguration de la Maison de la Culture d’Amiens, où il explique que nous sommes dans une civilisation du temps vide. » Un autre discours résonne dans la salle du palais du roi Sargon II : Une partie de celui de Camus lors de la remise du Prix Nobel de Littérature, où il interroge le rôle de l’artiste.
Mais la destruction des œuvres est aussi immatérielle et passe par l’attitude consumériste dans le rapport à l’art. D’où la danse comme lien différent entre les œuvres et le regard des visiteurs. Après l’intervention au Louvre, Dancing Museums continue, en mai à Vienne, en août à Bassano del Grappa et en novembre, à Londres.
Thomas Hahn
http://www.alabriqueterie.com/fr/european-attitude/dancing-museums.html
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