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« Maputo Mozambique » au Quai Branly
Quand le danseur, jongleur et musicien Thomas Guérineau rencontra, en 2010, les six danseurs-chanteurs mozambicains qui sont en scène dans Maputo Mozambique, il leur demanda un exercice de désapprentissage de leurs pratiques, pour laisser entrer en leur sein l’art du jonglage et une nouvelle approche de la danse.
Cette façon de faire table rase pour construire sur de nouvelles bases, en intégrant autant les matériaux anciens que les nouveaux, a porté ses fruits. La fusion entre chant, jonglage, danse et percussions est organique et totale, si bien qu’il serait inutile de vouloir établir la moindre hiérarchie entre les disciplines. Et comme le jonglage est ici totalement intégré dans l’art du mouvement, on a l’impression que les six l’ont pratiqué dès la naissance.
La cohésion au sein du groupe est tout aussi parfaite. Les six artistes de Maputo créent un art de l’unisson qui ne fait que souligner l’énergie individuelle de chacun. Leur maîtrise du jonglage chorégraphié, qui devient métronome percussif et expression de composition musicale, est si profonde qu’ils peuvent en plus faire jouer leur humour et injecter des zestes d’art dramatique.
Le spectacle commence en cercle, comme un renvoi aux racines culturelles, avec une balle de jonglage au centre, tel un objet fétiche à vénérer. Il est ensuite impossible d’établir si l’art du jonglage découle de la chorégraphie ou inversement. Là où les jongleurs européens ont tendance à mettre l’agrès et sa maîtrise au premier plan, les balles, massues ou sacs en plastique ont ici une fonction différente, celle d’être des instruments de musique, la boîte à rythme du spectacle.
Les balles jouent de véritables mélodies sur les peaux des tambours, quand les jongleurs-percussionnistes modifient leur gestuelle, et avec elle angles et intensités des contacts. Et c’est vrai aussi pour le jeu des massues, dans leurs rebonds sur le tambour, placé au milieu du cercle.
S’ils ne sont pas les premiers à jongler avec des sacs en plastique, ils ajoutent la dimension musicale. Les sacs couleur orange, à la fois symbole d’un feu de joie et du danger de pollution, arborent une sonorité étonnamment jazzy, et révèlent qu’il s’agit d’objets nobles, faits d’une matière précieuse.
De la même façon que les disciplines se fondent en un jaillissement émulsif, tout ce qui pourrait relever de la tradition, se coule dans la création contemporaine. Les chansons sont des compositions originales de deux des interprètes du spectacle autant que les rhombes, instruments à vent ancestraux, lancés dans un mouvement circulaire autour de la tête, sont ici des créations originales, inspirées par l'héritage culturel.
Reste à combiner les sons des tambours et des sacs en un seul tableau, pour aller jusqu’au bout de l’idée d’un concert. Mais nous sommes déjà dans un genre d’art total, à savoir un concert chorégraphique jonglé, absolument unique dans le paysage artistique. Maputo Mozambique, imaginé et développé par Thomas Guérineau et les six artistes mozambicains, est l’équivalent des grands spectacles de la fameuse troupe britannique Gandini Juggling, la dimension musicale en plus.
Thomas Hahn
Maputo Mozambique
Conception, mise en scène: Thomas Guérineau
Création lumière: Christophe Schaeffer
Avec: Ernesto Langa, Lourenço Vasco Lourenço, Dercio da Carolina Alvaro Pandza, Jose Joaquim Sitoe, Valdovino Claudio De Sousa, Dimas Carlos Tivane
Musée du Quai Branly, Théâtre Claude Lévi-Strauss
Du 18 au 21 février
http://www.quaibranly.fr/fr/expositions-evenements/au-musee/spectacles-cinema-evenements/spectacles/details-de-levenement/e/maputo-mozambique-35840/
Au Festival d’Avignon 2016, dans le cadre de Villeneuve en scène
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