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Suresnes : « Street Dance Club »
Mardi 12 janvier 18 h15 théâtre Jean Vilar à Suresnes. Dans la grande salle à demi éclairée, le filage de Street Dance Club d'Andrew Skeels, vient de s’achever. Joie d’avoir vu évoluer une heure durant de magnifiques danseurs, dans une chorégraphie inventive et pleine de vie, qui rend hommage à la danse des clubs noirs américains des années 20-30, tout en inventant son propre univers.
De l’esprit Cotton Club et Savoy Ballroom, le chorégraphe n’a pas voulu, en effet, retenir les paillettes. Mais plutôt la naissance d’une nouvelle communauté d’hommes et femmes, unis par la danse et la musique au-delà des barrières imposées alors par la ségrégation féroce régnant aux Etats-Unis. D’où une série d’ensembles très réussis où se rejoue, sous plusieurs formes et combinaisons, l’éternelle dynamique d’un groupe tour à tour excluant puis intégrant des individus à la fois différents et semblables.
Skeels n’a pas son pareil pour faire surgir des images fortes de pyramides de têtes ou de mains, de corps aux mouvements subtilement décalés, et de chaînes de gestes coordonnés s’animant façon jeu de carte. Mais il sait aussi créer de beaux solos et duos où se révèle une écriture ciselée qui, bien que très contemporaine, puise paradoxalement à certaines des sources du mouvement hip hop.
Tout autant que la danse, la partition originale du jazzman Antoine Hervé est indissociable de la pièce. Le compositeur, avec un talent époustouflant, a su restituer l’ambiance sonore de ce pan d’Histoire en reprenant et en réorchestrant les thèmes de plusieurs standards, de Duke Ellington à Billie Holiday. En complicité avec Andrew Skeels, il a privilégié une tonalité souvent nostalgique, comme pour ne pas oublier que derrière leur virtuosité et leur gaieté affichée, les artistes de cette époque vivaient une réalité beaucoup moins rose.
A quelques dizaines d’heure de la première, Andrew Skeels est fébrile. Son Street Dance Club n’est pas la reconstitution plate des danses noires et blanches d’avant-guerre qu’auraient peut-être attendue certains. Mais il en est d’autant plus intéressant. En conjuguant son regard d’Américain d’aujourd’hui sur un passé aussi stimulant que complexe, et l’inspiration apportée par des interprètes nourris d’influences multiples - du krump au new style en passant par le break et l’électro -, il réussit à recréer une filiation inattendue entre la gestuelle saccadée des danses urbaines et la musique des années trente. Dans le pur plaisir de la danse mais sans rien renier du passé, ni du présent.
Isabelle Calabre
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