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« La Bayadère » à l'Opéra de Paris

La Bayadère, ballet mythique remonté en 1992 par Rudolf Noureev pour l’Opéra de Paris peu avant son décès, est une sorte de monument commémorant le génie de Marius Petipa. Tout y est, le goût de l’époque pour l’exotisme, l’adaptation intelligente de ce goût du lointain à une chorégraphie « moderne » à l’époque, et ce mélange inimmitable entre danse abstraite et pas d’actions où brillait le plus célèbre maître de Ballet français à la Cour de Russie.

L’intrigue est une double triangulation amoureuse : Nikiya (La Bayadère) et Gamzatti aiment le Prince Solor. Le Grand Brahmane et le Prince Solor aiment Nikiya. Tout finit mal : Nikiya est tuée par la morsure d’un serpent dissimulé dans un panier, Gamzatti épouse Solor, mais leur union est maudite par Nikiya, Le Grand Brahmane, qui avait dévoilé la relation entre Nikiya et Solor en est pour ses frais, Nikiya refusant le contre-poison qu’il lui tend.

À la création, en 1877, il y avait quatre actes, le dernier, très spectaculaire avec son écroulement du Temple dû à la colère des dieux fut supprimé en 1919. Il demandait un nombre de techniciens beaucoup trop important !

Photos : Little Shao/OnP

Aujourd’hui, le ballet se termine avec la célèbre scène du « Royaume des Ombres » sorte de comble du ballet blanc abstrait, avec ses trente-deux « ombres » descendant du fond de scène, après le tigre, l’éléphant et les costumes de soie chatoyante des actes précédents.

Photos : Little Shao/OnP

Ce soir-là, les rôles titres étaient dansés par Kristina Shapran (une soliste du  Théâtre Mariinsky de Saint-Petersbourg), Kimin Kim (un coréen également passé par le Mariinsky avant d’être soliste à l’American Ballet Theatre) et Héloïse Bourdon, Sujet de l’Opéra de Paris.

Kristina Shapran au Mariinsky

L’équilibre entre la Nikiya de Kristina Shapran et la Gamzatti d’Héloïse Bourdon était parfait. Si la première était émouvante et lyrique à souhait, la seconde soutenait la comparaison, en développant un jeu théâtral de jeune femme jalouse impeccable. Les bras souples de Shapran trouvaient un écho dans les amortis de Bourdon, et les deux femmes sont d’une expressivité étonnante.

Kimin Kim au Mariinsky

Kimin Kim est un Solor aérien, presque félin. Maîtrisant une technique de haut vol et enchaînant les difficultés comme si elles étaient pour lui le comble du naturel, notamment dans les variations du 1er et du dernier acte. Le Pas de Deux du 2e acte Solor Gamzatti était éblouissant. Héloïse Bourdon excellant dans ses variations académiques (avec 32 fouettés à la clé). Kimin Kim campe un Prince un peu inconséquent, comme inconscient du drame qu’il provoque, voire un peu trop soumis à l’autorité du Rajah, incapable de résister – même un peu – au mariage de convenance. Mais ça fonctionne bien avec le dernier acte, où se dernier préfère se réfugier dans ses rêves plutôt qu’affronter une réalité décevante.

Kimin Kim au Mariinsky

On aura été assez déçu par l’Idole Dorée de François Alu. Certes, il est plus que parfait techniquement. Un ballon formidable, un placement impeccable, une précision époustouflante… mais pas le moindre charisme, pas le moindre rapport avec le personnage qu’il est censé incarner. Là c’est l’Idole Dorée (d’ailleurs, il n’est pas maquillé en or commes les autres interprètes du rôle ! Sans doute a-t-il refusé ?) mais ça pourrait être n’importe quel autre rôle dans n’importe quel autre ballet. Seule semble compter pour lui l’exécution virtuose des pas. Nous ne l’avons pas vu dans Solor, qu’il interprètait également dans cette série de représentations, mais nous osons espérer qu’il était un peu plus concerné par le rôle.

Par contre, on aura remarqué Antoine Kirscher dans le rôle du « Fakir » qui allie  à la souplesse et à l’élévation un vrai talent de comédien.

Dans les autres rôles secondaires, saluons la danse indienne de Charline Giezendanner, et les trois variations des ombres d’Hannah O’Neill, Silvia Saint-Martin et Valentine Colasante.

Mais, quoi qu’il en soit, La Bayadère, telle que Noureev l’avait voulue passionnément, depuis qu’il avait franchi le rideau de fer, telle qu’il l’avait remontée patiemment, allant même chercher la partition originale de Minkus dès l’ouverture offerte par la Perestroïka en 1989, reste un ballet à voir et à revoir, malgré son côté un peu kitsch, un peu superficiel… mais grandiose.

Agnès Izrine

Le 18 décembre 2015 - Opéra Bastille, jusqu'au 31 décembre 2015

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