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Groupe Grenade : « Guests II »

Avec son groupe de jeunes (voire très jeunes, certains ont tout juste 8 ans !) le Groupe Grenade de Josette Baïz a encore fait sensation avec son Guests II qui réunissait dans un même programme Dominique Bagouet, Trisha Brown, Wayne McGregor, Damien Jalet, Emanuel Gat et Hofesh Shechter. Faut-il préciser que les extraits choisis sont sans doute les meilleurs des pièces choisies ? En tout cas, ce parcours rend compte sans y toucher de l’histoire de la danse de ces trente dernières années, avec en prime, une création extraordinaire de Damien Jalet : L’Évocation.

Le Groupe Grenade dans Déserts d'amour et Trisha Brown © Nathalie Sternalski

Le chorégraphe complice de Sidi Larbi Cherkaoui qui a choisi pour cette création de travailler à partir d’incantations soufies comme moteur du mouvement a composé une pièce impressionnante. Extatique, physique, ésotérique, cette branche mystique de l’Islam a toujours privilégié le corps comme lieu par excellence de l’intériorité la plus secrète et la plus concentrée. Ce qu’a su traduire avec un art consommé de l’indicible Damien Jalet. Comment alors, ces très jeunes danseurs, ont pu restituer avec tant de maturité cette « ivresse spirituelle » avec sa dose de violence inspirée par la passion ? Mystère. En tout cas, ils ont réussi à entrer dans cette gestuelle fascinante, qui plus encore que de tours dervitiques, emploie une sorte d’alchimie de l’âme et du corps réunis par le souffle qui exhalé, retenu, puis expiré avec force, se propage dans des mouvements circulaires,  dans des oscillations répétitives jusqu’à devenir silence, jusqu’à toucher à l’invisible.

Le Groupe Grenade dans "Entity" © Nathalie Sternalski

Les autres extraits pour être mieux connus n’en sont pas moins difficiles pour une si jeune troupe. Qu’il s’agisse de ce merveilleux duo tiré de Désert d’amour, signé Dominique Bagouet, d’une recréation hommage à Trisha Brown, d’Entity de Wayne McGregor ou de Brilliant Corner d’Emanuel Gat. À chaque séquence, les membres de Grenade doivent s’accaparer non seulement une gestuelle différente, mais surtout envisager la danse sous un autre angle. Passer d’un maniérisme léché très bagouetien à ce relâché brownien, de la technique acérée d’Entity au contrepoint complexe d’Emanuel Gat. Mais le plus extraordinaire est qu’à chaque extrait, ils entrent totalement dans le style de chaque chorégraphe et même pourrait-on dire l’essence même de celui-ci. Les transitions entre chaque pièce sont intelligemment pensées. Intermèdes techniques et Early Pieces de Trisha Brown deviennent des suites attachantes que l’on retrouve avec plaisir comme autant d’entractes amusants.

Le Groupe Grenade dans "Brilliant Corner" et "Uprising" © Nathalie Sternalski

À aucun moment le spectateur n’a l’impression de voir une copie ou pis, un placage, des pièces originales. Pas plus que l’on n’a le sentiment de voir une forme de « ballet junior ». Non, ce sont, mêmes juvéniles, de grands professionnels. Et l’on se prend à se demander comment Josette Baïz a pu si bien les former, elle qui ne bénéficie pas d’une école labellisée, ni même de classes à horaires aménagés…

Le spectacle finit en apothéose avec Uprising d’Hofesh Shechter dansé par les garçons les plus âgés du Groupe. Et puisqu’il y est question de se lever, c’est debout qu’a fini la salle, définitivement conquise par ces enfants et ces adolescents formidables.

Agnès Izrine

27 novmbre 2015 - Festival de Danse de Cannes, Théâtre Croisette, Hôtel JW Mariott

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