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Hommage chorégraphique à Nithard, premier auteur de langue française
Luc Petton oblige, un oiseau était bien de la partie : Phoenix, buse de Harris, rapace impressionnant mais bon joueur et surtout, symbole d’une époque et du pouvoir étatique. À l’Abbaye de Saint-Riquier, la journée du 7 novembre 2015 a vu ceci :
Douze siècles d’histoire et une performance pour fêter les retrouvailles avec Nithard de Ponthieu. Ses ossements exposés à l’entrée de l’Abbaye, et finalement, une pierre tombale dévoilée pour rappeler les liens entre Nithard, et donc la langue française et l’histoire de l’Europe. Nithard est mort, la langue vit, et se manifeste par la plume de Pascal Quignard.
Nithard, homme de lettres, diplomate, Comte-Abbé de Saint-Riquier, petit-fils de Charlemagne, défenseur de la France contre les Vikings, guerrier mort au combat ! Et puis, et c’est surtout pour cela qu’on s’intéresse à lui, il fut le premier auteur d’un texte en langue française. En 842, deux autres petits-fils de Charlemagne, à savoir Charles le Chauve et Louis le Germanique, prêtent serment, chacun dans la langue de l’autre, et donc dans leurs langues populaires à la place du latin.
842 : Les Serments de Strasbourg
Une audace, un acte politique, selon Bernard Cerquiglini. En amont de la performance Petton/Quignard, le linguiste et recteur de l’agence universitaire de la Francophonie a consacré une conférence à Nithard et aux Serments de Strasbourg. C’est Nithard qui a l’idée de prendre les frontières linguistiques et donc l’identité culturelle du peuple comme critère pour la division de l’empire carolingien, au lieu de les tracer, comme dans le passé, de façon arbitraire.
Le lien vers la danse se fait grâce à Pascal Quignard qui écrit un poème dramatique retraçant l’aventure de Nithard. Sur le plateau, installé tel sur toute la longueur de la nef, l’écrivain et les danseurs se relayent. Les brèves chorégraphiques, sobres et mystérieuses, font écho aux images évoquées. Nithard ayant aussi été reconnu comme historien, la traversée des moments-clé de la vie de Nithard jusqu’à sa mort sur le champ de bataille fait doublement écho à sa vie. Sans oublier que le grand-père de Quignard était jardinier et est enterré à Saint-Riquier.
Le Guetteur, ami de l’Abbaye
La rencontre avec Luc Petton est également double, voire triple. L’Abbaye royale de Saint-Riquier a été labellisée, en janvier 2014, comme Centre Culturel de Rencontre / Abbaye des écritures à l’ère du numérique par le Ministère de la culture. La rencontre entre Quignard et Petton fait écho à celle entre Petton et Anne Potié, directrice du CCR. En effet, la compagnie Le Guetteur, dirigée par Petton et Marilen Iglesias-Breuker, est en résidence au CCR pendant trois ans.
La « Performance des ténèbres, » donnée face aux ossements de Nithard, est leur premier point d’orgue dans ce lieu qui dispose même d’une salle de spectacles. Pendant que le CCR de Saint-Riquier s’engage pour le renouveau de la langue picarde, Petton, Quignard et les interprètes de la compagnie Le Guetteur reprendront les chemins de Nithard à Eu (Seine-Maritime) dans le cadre du festival »Terres de Paroles », le 29 mars 2016.
Thomas Hahn
Texte : Pascal Quignard
Chorégraphie et mise en scène : Luc Petton
Collaboration artistique : Marilén Iglésias-Breuker
Création musicale : Xavier Rosselle
Costumes : Sophie Jeandot
Interprétation : Marie-Laure Agrapart, Tuomas Lahti, Pascal Quignard, Xavier Rosselle
Oiseleur : Marion Dupire-Angel
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