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Les Irlandais du Festival Instances (2)
Le second programme du focus consacré aux danseurs et chorégraphes d'Irlande a prouvé que ces artistes sont dotés d'un talent fou. À l'affiche, en clôture du festival, Dylan Quinn et Liz Roche avec des pièces puissantes et raffinées.
Ils sont à deux pas de la France et nous ne connaissons pas la plupart de ces chorégraphes qui œuvrent dans des conditions précaires étant donné qu'ils ne sont absolument pas soutenus financièrement par l'État, n'ont aucun lieu ni formation mis à leur disposition. Alors, passionnés de danse contemporaine, chacun et chacune s'organisent comme ils peuvent. Ils créent des festivals dans de très petites villes telle Jazmin Chiodi qui, avec son compagnon danseur, défend depuis neuf ans la danse et l'art contemporain avec des projets originaux et insolites.
Comme l'explique Benjamin Perchet, le tout nouveau directeur du Dublin Dance Festival « ces danseurs et chorégraphes vivent dans un grand pays peu peuplé ce qui leur permet de se développer avec liberté et audace. Bien qu'ils se sentent isolés, ces jeunes se reconnaissent dans l'identité post conflit et ainsi développent des écritures fortes et originales. En élaborant la programmation de mon festival, j'ai pu constater qu'aucun ne propose de pâles copies des illustres chorégraphes internationaux. Au contraire, ils osent tout, racontent le terrible passé de l'Irlande, inventent d'autres formes et espèrent changer le monde. »
Ceci est troublant tout comme la puissante et excellente pièce Fulcrum de Dylan Quinn inspirée de Catastrophe que Beckett a dédiée à Václav Havel. En duo avec Jazmin Chiodi, il arrive, sans l'aide du verbe, à exprimer toute la douleur de l'enfermement. Son corps parle à lui seul. Il souffre, se délie, retrouve les affres de son sort et donne le sentiment que ses os se détachent un à un, puis retourne vers à un semblant de paix auprès de Jazmin. Tout est dit entre mise en abyme et acte de résistance ainsi que les complexités de la dépendance. Sur une création sonore d'Andy Garbi, la chorégraphie de Dylan met en exergue le sens absurde de l'écrivain par le biais d'une danse éloquente, solide, digne, virile, où chaque mouvement, entre aplomb et contrepoids, est dessiné jusqu'au bout des doigts. Les deux interprètes sont excellents. Tout en intériorité, ils jouent chacun leurs rôles à la perfection. De la danse, du théâtre ? Oui, les deux à la fois tant la dramaturgie est bien étudiée, tant les deux êtres vivent intensément les différentes situations, tant ils bousculent les codes grâce à des pointes inatendues d'humour. C'est non seulement extrêmement beau, très précis, mais aussi poétique, envoûtant et bouleversant. Espérons que Fulcrum trouvera sa place et apportera un nouveau souffle au sein du festival Beckett qui se déroule à Paris.
Basé en Irlande du Nord, le Dylan Quinn Dance Theatre crée des projets qui cherchent à interroger le monde dans lequel nous vivons. Dirigé par Dylan Quinn, la compagnie est engagée dans la production d’une danse nouvelle, d’un théâtre-performance physique influencé par le monde culturel, social et politique qui nous entoure. « En tant que directeur artistique, je travaille avec toute l’équipe pour conduire notre compagnie vers l’avant. Je mène des projets, des ateliers et des performances. Ma passion est la danse contemporaine et le théâtre physique mais j’aime aussi d’autres formes de danse. Je suis déterminé à rendre le Dylan Quinn Dance Theatre durable et productif au service des secteurs professionnel, communautaire et de l’éducation à travers l’Irlande du Nord et à l’étranger. »
Dans un style totalement différent, Bastard Amber de Liz Roche s'immerge dans l'Orient imaginaire de Byzance. S'inspirant des vers du célèbre poète irlandais William Butler Yeats et des peintures aux éclats dorés de Patrick Scott, la chorégraphe propose un voyage spirituel et méditatif où les corps s'emparent des mouvements de l'âme. Dans un décor très pur et très raffiné où l'or en est le fil conducteur, les huit danseurs forment des tableaux vivants sur des musiques de Ray Harman jouées en live par quatre interprètes.
Photos Luca Truffarelli
Ces tableaux mouvants expriment différentes idées par le biais d'une danse très lente où les corps se croisent, s'entremêlent et s'effacent. L'idée est originale et la pièce d'une grande beauté est digne du Festival Instances, mais il manque une écriture dramaturgique, une direction d'acteur des danseurs et un rythme parfois plus soutenu afin de favoriser l'attention du public et donner ainsi plus de poids à cette œuvre. Toujours est-il qu'il s'agit d'un travail très étudié de la part de Liz Roche qui signe là sa première pièce aussi ambitieuse.
Le focus Irlande de la 13ème édition du Festival Instances a donné l'occasion au public de découvrir la singularité propre au caractère irlandais avec des œuvres de résistance habitées parfois d'un humour grinçant révèlant une ouverture au monde et surtout des artistes joyeux qui n'ont pas hésité à sortir leurs instruments de musique pour danser et chanter des airs irlandais à l'issue des représentations.
Sophie Lesort
Le 19 novembre 2015 Festival Instances - Espace des Arts de Chalon-sur-Saône
http://www.espace-des-arts.com/la-saison/instances_15
http://dylanquinndance.org/professional-home
http://www.lizrochecompany.com/
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