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« Un poyo rojo », d’Hermès Gaido

Sous-titrée « Teatro fisico », en espagnol dans le texte, la pièce de l’Argentin Hermès Gaido a été créée en 2010 et depuis tient toujours l’affiche à Buenos-Aires. En France, on a pu la voir en 2014 et en 2015 au Festival Off d’Avignon, portée par un bouche à oreilles des plus favorables. D’où sa programmation un mois durant cet automne à Paris au théâtre du Rond-Point, dans la petite salle Jean Tardieu. Une consécration amplement méritée, au vu de l’excellente représentation du 20 septembre dernier. Sur le plateau, devant d’anonymes casiers de vestiaire, deux hommes se livrent à un fascinant exercice de mime qui se transforme peu à peu en danse, puis en lutte.

Très vite, les mouvements s’autonomisent et les personnalités se différencient. Entre ces corps également transpirant sous l’effort, ce qui se joue n’est pas tant une affaire de performance - à qui fera la plus belle pirouette ou prendra le plus de risques - que de séduction. L’un, extraordinaire Luciano Rosso, tente d’entrer en relation avec l’autre - Alfonso Baron -, en détournant avec une drôlerie irrésistible les codes de la virilité sportive.

C’est alors qu’entre en scène le troisième personnage : une radio. Sans vraiment comprendre le sens des mots qui s’en échappent, vu leur maîtrise très modérée de la langue française, les deux interprètes s’affrontent par fréquence interposée, cherchant l’un et l’autre à tour de rôle à imposer leur station. En direct et sans filet, ils se défient, s’opposent et se combattent sur un tube du hit parade, sur le bulletin d’infos, ou sur le commentaire fiévreux d’un match de rugby.

Derrière la compétition le désir affleure, d’autant plus vif qu’il est refoulé. La performance des deux acteurs et danseurs est absolument remarquable et leur sens de l’improvisation époustouflant. La scène redevient ici le lieu d’une absolue liberté, qui se rit des frontières entre genres et styles. Danse ou théâtre, duo comique ou affrontement acrobatique, combat de coqs ou pas de deux : peu importe. Le spectacle est jubilatoire et le plaisir du spectateur, assuré. 

Isabelle Calabre

Théâtre du Rond-Point, Paris Jusqu’au 18 octobre à 18h30 sauf lundis.

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