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Troupes et ballets au Temps d'Aimer
Au Temps d’Aimer, c’était le jour du Ballet inconnu. Ou du moins, des compagnies fort peu diffusées en France. Au menu donc, Elephant in the Black Box Company qui, malgré son nom anglais, est espagnole, et le Ballet de Maribor qui est Slovène.
La Black Box Company est dirigée par le chorégraphe Jean-Philippe Dury qui a mené sa carrière de danseur à l’Opéra de Paris et aux Ballets de Monte-Carlo puis chez Nacho Duato qui en fait son danseur principal. C’est auprès de ce dernier qu’il décide de créer sa propre troupe. D’où le titre de ce programme intitulé Héritages.
Placée sous les auspices de Ganesh – qui permettrait d’éveiller le sens artistique, d’où son nom – la compagnie de huit danseurs présentait trois courtes pièces, signées Dury et Duato.
Mémoires oubliées, débute par l’apparition d’une femme en corset et jupe à panier noirs plutôt impressionnante. Son physique, qui fait passer tous les autres interprètes pour des demi-portions n’a rien d’ordinaire et installe une atmosphère. Vêtus de corsets clairs et de culottes pour les filles, le reste de la chorégraphie qui emprunte visiblement à Nacho Duato, mais aussi à Jiří Kylián, est d’une belle facture, techniquement parlant. Sur la musique de Purcell, (What power art thou (la célèbre « scène du froid » de King Arthur et O Solitude) arabesques et portés s’enchaînent avec fluidité. Bientôt rejoints par un immense danseur à la mesure de la femme en noir, la pièce s’attarde sur le duo étonnant de ces deux géants. C’est d’ailleurs la partie la plus réussie de la pièce. Pour le reste, on reste plutôt frappé du manque d’intention des interprètes qui ont l’air de ne pas tout à fait comprendre ce qu’ils sont en train de danser… et encore moins pourquoi.
Le trio suivant, signé Nacho Duato est initulé Remanso (eau dormante) d’après le titre d’un poème de Garcia Lorca. Sur les notes du compositeur espagnol Enrique Granados, les trois hommes rejouent et renouvellent une sorte de relecture masculine du Spectre de la Rose puisque leur rencontre, sous le signe de la fleur, semble s’évanouir dans un rêve. Plus concernés que dans le ballet précédent, ils déploient toute leur énergie.
Enfin, Cel Black Days, de Jean-Philippe Dury, est une pièce de groupe qui privilégie les corps-à-corps passionnés dans une ambiance plutôt mélancolique. Plus lisible et plus personnelle, cette chorégraphie montre une gestuelle plus incarnée que les deux autres pièces.
Le Ballet de Maribor, quant à lui, en la personne de son chorégraphe Edward Clug, s’attaquait consécutivement au Stabat Mater de Pergolese et au Sacre du printemps de Stravinsky. Il ne faut pas avoir froid aux yeux pour enchaîner deux chefs-d’œuvre de cette trempe !
D’une banalité sans faille, le Stabat Mater additionne des images hétéroclites. Maternité, défilé de mode, danse de salon revue et corrigée… cette fois c’est nous qui ne saisissons pas le point de vue du chorégraphe malgré que les danseurs s’escriment à plaquer des émotions sur leurs visages.
Le Sacre de Clug, reprend la version originale, dans son livret comme dans sa chorégraphie, puisque l’on distingue ici et là des gestes directement issus de la version de Nijinski, à savoir les petits sauts genoux pliés et jambes sur les côtés, les poses penchées, tout comme les nattes, les pommettes peintes en rouge et la barbe du vieux païen. Mais il est fort difficile pour qui que ce soit de se mettre à la hauteur d’illustres prédécesseurs nommés Béjart ou Pina Bausch. L’idée d’inonder la scène de trombes d’eau – en surpassant par l’élément liquide et l’Agua de Pina et la Sinfonia Eroica de Michèle Anne de Mey – ne sauve pas le spectacle de la noyade. On aura particulièrement « apprécié » d’ailleurs le passage où les femmes servent de serpillière… Ce qui dénote, à coup sûr, une tradition plus qu’ « antique » qu’elle soit de la Russie païenne ou d’ailleurs !
Ce programme nous prouve une fois de plus que de beaux danseurs, une belle technique, et un savoir-faire chorégraphique ne suffisent pas à faire une œuvre. La danse n’est pas, et n’a jamais été, qu’une belle succession de pas et de figures. Dommage pour ces deux Ballets qui auraient sans doute mérité mieux.
Agnès Izrine
13 septembre 2015, Festival Le Temps d'Aimer, Biarritz
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