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« Le Bal du Cercle » de Fatou Cissé au Festival d'Avignon

Fatou Cissé sait rapporter des faits passionnants sur les Tanebeers, les bals sénégalais  réservés aux femmes. Lieux de liberté, devenus des foyers possibles de contestation, ces bals seraient de plus en plus surveillés et parfois réprimés. Une telle évolution rappelle par ailleurs l'histoire des cancaneuses, dans les bals parisiens au XIXe siècle. Au Tanebeer aussi, en dansant le sabar, les femmes se libèrent des codes sociaux et vestimentaires imposés par une société patriarcale. Mais elles se défient à travers un concours vestimentaire et dansé que Fatou Cissé transpose vers un incessant défilé de mode, sur un rythme saccadé.

Galerie photo : Laurent Philippe

L'ambiance est celle d'un ballroom ou d'un club. Pourtant, chaque danseuse ne se soucie que de sa propre tenue, sans doute aussi caricaturale que dans un Tanebeer réel. Ou presque... Car ici, les danseuses professionnelles doivent camper ces femmes qui, selon Cissé, peuvent se permettre toutes sortes de maladresses corporelles, à condition de se lancer des défis vestimentaires impressionnants. Elles y existent d'autant plus qu'elles peuvent laisser de côté toute crainte du ridicule.

Galerie photo : Laurent Philippe

Pas étonnant que cette dimension du Tanebeer ne soit pas au rendez-vous. C'est tout le jeu social qui manque à ce Bal du Cercle pour donner un sens au spectacle, au-delà d'une exhibition interminable et lassante, devenant vite ennuyeuse. Ce n'est pas la forme du cercle qui fait spécialement défaut, mais son sens. Rarement on n'a vu un public aussi déconcerté à la fin d'un spectacle.

Galerie photo : Laurent Philippe

Les deux premiers tableaux sont pourtant formidables. Les femmes s'introduisent à travers une danse puissante et inventive, en même temps fantomatique. Présences fascinantes jusque dans le tableau suivant, où elles s'engouffrent dans les codes masculins, et portent un message fort au sujet du rôle de la femme. Athlétisme, attitudes machistes, accents de danse hip hop, arts martiaux... Ce flirt avec les codes du "genre" est le dernier geste significatif de Cissé dans Le Bal du Cercle. Passons sur la présence d'une caricature d'homme homosexuel qui perturbe le spectacle, plus qu'il ne l'enrichit.

Galerie photo : Laurent Philippe

Ce qu'il faut interroger avant tout est la présence d'une première pièce de groupe d'une jeune chorégraphe dans le In du Festival d'Avignon, ce qui lui impose un format que, manifestement, elle ne maîtrise pas encore. Pour une chorégraphe qui s'est faite remarquer jusque-là avec deux solos, il est compréhensible que sa créativité ne puisse combler qu'une quinzaine de minutes, le reste se révélant être une façon de meubler un espace-temps qui la dépasse largement. On ne lui rend pas service à la jeter vers un défi  pareil. En retour, cela pose la question du fonctionnement du paysage institutionnel, à la fois au sein du Festival d'Avignon et dans l'accompagnement de chorégraphes émergents.

Thomas Hahn
Du 16 au 23 juillet, Cloître des Carmes, Festival d'Avignon 2015
 

Le Bal du Cercle
de Fatou Cissé
avec Fatou Cissé, Bamba Diagne, Alicia Gomis, Salamanta Kobré, Rose Mendy, Mariam Traoré
Lumières : Georges Lavaudant
Costumes: Mademeine Sylla
Scénographie: Jean-Christophe Laquetin
Conseiller artistique: Jacques Blanc

 

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