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Verklärte Nacht  de Keersmaeker et Impulso de Rocío Molina, deux pièces splendides pour deux styles diamétralement opposés

Pour fêter cet anniversaire et son départ, Apolline Quintrand-Pacull a invité Anne Teresa De Keersmaeker et Rocío Molina qui ont présenté deux œuvres époustouflantes de beauté

Vingt ans après sa première version de Verklärte Nacht (1995) écrite pour six couples et deux danseuses solistes, Anne Teresa De Keersmaeker se concentre aujourd’hui sur l’épure tragique du dialogue amoureux.

Il ne s’agit absolument pas d’une reprise, mais d’une véritable réécriture formulée avec une grâce absolue. Sur le magnifique sextuor à cordes Verklärte Nacht (La nuit transfigurée) de Schönberg dirigé par Pierre Boulez, deux hommes et une femme entrent en scène. L’un repart et s’ensuit un duo somptueux où le couple se déchire, se réconcilie et s’aime à perdre haleine avec une débordante sensualité.

Basée sur un poème extrait du recueil La Femme et le monde de Richard Dehmel, la pièce décrit une promenade nocturne d’un couple amoureux dont la femme avoue qu’elle attend un enfant d’un autre. Son amant insiste sur l’importance de sa maternité et lui assure qu’il est disposé à faire sien cet enfant. Bien que l’intrigue ne soit pas totalement limpide, on comprend pour autant qu’il est question d’adultère, d’où cet homme qui n’apparait que dès le début de l’œuvre et ce duo resplendissant qui s’ensuit entre ces deux êtres qui s’aiment à perdre haleine.

L’écriture chorégraphique de De Keersmaeker exprime tous les sentiments inhérents à l’amour fou. Il y a de la violence, de l’hésitation et du déchirement pour aboutir à un puits sans fond de désir commun. Une danse non seulement gracieuse et splendide, mais aussi terriblement dynamique, énergique et sensuelle  se dessine par des corps à corps voluptueux et d’une infinie douceur, la violence de la soif de l’autre, des enchainements d’une grande pureté et d’incessantes portées. Samantha Van Wissen est une exceptionnelle danseuse dont l’intériorité décline tous ses états d’âme. 

Avec cette osmose entre l’œuvre de  Schönberg et l’extraordinaire interprétation des danseurs, De Keersmaeker signe un exquis chef-d’œuvre qui ne ressemble en rien à ces autres réalisations.

C’est à sept heures du matin sur la terrasse en bois du Cercle des Nageurs de Marseille que Rocío Molina a convié le public pour sa création d’Impulso. Alors que le soleil diffuse une douce lumière, elle descend lentement l’escalier vêtue d’une longue robe noire agrémentée d’une traîne de volants.

Avec ses longs cheveux trempés et la mer en toile de fond, la jeune femme s’impose telle une œuvre d’art. Elle est à la fois sculpture vivante et danseuse dont le cœur et le corps vibrent avec la nature et le lever du jour. Elle se nourrit de tout ce qui l’entoure pour s’offrir telle une reine à son peuple. Chacun retient son souffle tant cette magnifique artiste sait cueillir, s’approprier et dompter les éléments qui lui servent de décor.

Accompagnée musicalement en live par Loïc Bastos qui est arrivé vêtu d’un peignoir et de lunettes de piscine, Rocío Molina maitrise sa robe à la perfection, on comprend d’ailleurs par la suite qu’elle est aussi trempée que ses cheveux et, avant de se dévêtir, s’allonge au sol telle une envoutante sirène. Une fois libérée de ce carcan, son flamenco se propulse avec passion, puissance et sensualité. Elle joue avec le tempo, s’arrête, sourit et se reprend pour mieux enflammer la salle.

Cette représentation fut un moment unique et un bijou de perfection que l’on peut définir comme une ode au soleil. Magique !