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35e Festival de Montpellier Danse

La 35e édition de Montpellier Danse rend hommage aux écritures singulières

Il n'y a d'autre art qui puisse proposer un éventail aussi large en styles et tempéraments que la danse. Pour la 35e édition de ce rendez-vous estival majeur, Jean-Paul Montanari est allé, plus que jamais, à la rencontre des personnalités les plus affirmées, les plus radicales, les plus irréductibles.

Certaines accompagnent Montpellier Danse depuis longtemps. C'est le cas de Raimund Hoghe qui présente sa création la plus récente, Quartet. Chez Hoghe on sait ce qu'on va avoir. Son art coule tel un long fleuve tranquille. Il est de ces repères-piliers dans le paysage artistique qui représentent une continuité sans faille, sur une trajectoire imperturbable.

Femmes en révolte

En ce sens, tout sépare Hoghe de Maguy Marin, pourtant  elle aussi une figure déteminante depuis plus longtemps encore. Mais chez elle, les périodes et les déménagements se suivent et ne se ressemblent pas. Ce qui est sûr, c'est qu'elle ne cesse de travailler sur les rythmes, ce qui peut impliquer les sons continus. Mais dans BiT (lire notre critique) les beats per minute font exploser les plafonds du cynisme financier.

Maguy a toujours été une chorégraphe politiquement virulente. Mais face à la farce financière actuelle autour de la Grèce, la pièce prend une portée symbolique supplémentaire, vue qu'elle est le fruit d'une recherche de la compagnie autour de la danse grecque ! Il va se soi que Maguy n'a pas créé BiT pour fêter le bitcoin dans son coin, mais pour parler de l'alliance argent et machisme. BiT est bien plus qu'une fête du rythme.

D'autres sont apparues sous les étoiles estivales de la danse et à Montpellier sans crier gare. Bouchra Ouizguen et Phia Ménard sont les symboles de transformation, qu'il s'agisse de leurs hémisphères culturels ou intimes. Ménard appelle Belle d'Hier sa création pour Montpellier Danse, et annonce une pièce révoltée au sujet du regard sur la femme, à travers  sa propre expérience dans ce rôle à jouer par les représentantes du sexe "faible", expérience d'autant plus aiguisée que Ménard arrive avec le bagage de sa vie d'homme. Voilà donc une pièce pour cinq femmes pour détruire le mythe de la princesse en attente de son prince à travers une combinaison de jonglage et d'eau tout juste décongelée, mais décongelée tout de même !

Autre personnalité de la danse mettant en jeu les intérêts de la femme, Bouchra Ouizgen vient d'un hémisphère culturel particulièrement agité. La Marocaine crée une pièce pour cinq danseuses, libérées de tous les phantasmes masculins car toutes grand-mères, pour faire vivre la beauté là où elle vient du fond. Le lien avec Maguy Marin et Phia Ménard est ici évident.

Corps en révolte

La petite forme peut être investie d'une grande radicalité, mais la forme plus monumentale aussi ! Rachid Ouramdane ne cesse de recueillir les témoignages des victimes de la violence humaine. Dans Tenir le temps, autre création du festival, il entend "soumettre seize interprètes à une mécanique qui les dépasse".

Last but not least, mais plutôt first, car programmés en ouverture de Montpellier Danse, Emio Greco et Pieter Scholten inventent une attitude a priori paradoxale car intitulée, comme leur création, Extremalism. Tout juste arrivés à la direction du Ballet national de Marseille, ils présentent leur première création unissant les danseurs de Marseille et d'ICK Amsterdam, compagnie phare des ·   Pays-Bas, compagnie qu'ils continuent à diriger, ici et là sous la devise "het lichaam in opstand", en français : le corps en révolte.

Ce qui ne fait que confirmer l'attitude rebelle de cette édition de Montpellier Danse, qui aurait presque fait oublier la présence de Torobaka d'Israel Galvan/Akram Khan, la Batsheva, le flamenco qui coule de source chez Farruquito, le tournant shakespearien d'Anne Teresa De Keersmaeker (lire notre critique) ainsi que l'imprévisible Benoît Lachambre, ici en binôme avec Fabrice Ramalingom. Et gare à VA Wölfl avec ses manières subtiles de représenter la violence refoulée. Ses Pièces courtes (Kurze Stücke) sont plutôt longues, mais tellement libératoires.

La danse est un art d'auteur et elle le restera, tant que des forces comme Montpellier Danse par la personne de Jean-Paul Montanari continuent à soutenir ceux qui s'emploient à déchaîner les passions.

Thomas Hahn

Festival Montpellier Danse du 24 juin au 9 juillet 2015

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