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June Events: «dawnlight» et «Night : Light» d'Alban Richard

Entre chien et loup, un Alban Richard mordant traverse deux compositions contemporaines

La particularité de cette édition de June Events est qu'on se trouve à parler autant de musique que de danse. Au cours du festival, le dialogue entre les deux arts s'est tissé avec force et lucidité. Alban Richard, qui a choisi Ensemble l'Abrupt pour désigner sa compagnie, avait donc particulièrement sa place au cœur du festival, puisque le rapport à la musique nourrit ses recherches chorégraphiques (voir l'interview).
Paradoxe spatial
Il arrive que la danse cède volontairement la première place à l'art musical (mais n'en fait-elle pas partie, au bout du compte ?). Dans son diptyque dawnlight / Night : Light, Alban Richard fait un pas de plus. Très osé, le parti pris spatial (tel que mis en place à l'Atelier de Paris) offre à différentes parties du public des perspectives radicalement opposées. Danseur soliste pour les deux spectacles, Richard était entouré d'une seule rangée de spectateurs sur trois côtés. Sur les gradins occupant le quatrième front, s'offrait au public une vision singulière. Pianiste, flûtiste, violoniste et violoncelliste étaient éclairés dans leur loge située derrière une rangée de spectateurs leur tournant le dos.
dawnlight, créé à June Events, se joue, comme son titre l'indique, entre chien et loup. Les musiciens de l'Ensemble Cairn étant plus fortement éclairés que l'aire de danse, une part des spectateurs se trouvait donc au cœur du dialogue entre le corps-instrument du danseur et la partition musicale. Dans la pénombre, le corps d’Alban Richard éructe une animalité qui se radicalise davantage dans la seconde partie.
Enigme canine
Night : Light se place sous le dispositif de diffusion spatiale en trois dimensions, développée à l'Ircam sous l'appellation de géode acoustique. Le résultat est une étrange dissociation entre l'endroit de production du son et son déploiement au-dessus du spectateur, derrière lui, au ras du sol etc. On gagne ici à tourner le dos aux musiciens pour échapper à la confusion créée par cette distorsion. Mais on ne verra pas les gants rouges de la pianiste (Caroline Cren), ni comment ses mains s'abattent sur les  cordes pour s'y engouffrer à la manière d'un chirurgien, soulignant ainsi l'ambiance sanguinaire de ce solo insoumis.
Toujours entre chien et loup, Alban Richard se glisse définitivement dans la peau d'un cerbère. Le micro HF placé à côté de sa bouche capte son souffle et autres sons de bouche, mâchés et recrachés. Ce carnage sonore s'intègre à la partition de Raphaël Cendo, rediffusée dans l'espace carré entouré du public, espace dans lequel on peut voir une cage. Richard s'y débat avec son animalité, s’intégrant aux événements spatiaux créés par les sons, phénomènes surgissant toujours là où on ne les attendait pas. D'un registre à l'autre, du très abrupt au relâché, de l'horizontalité à la verticalité, en passant par l'assise, un Richard devenu énigme canine tente toutes sortes de stratégies pour tracer son chemin dans le labyrinthe créé par les sculptures lumineuses de Valérie Sigward. Créé à l'Ircam dans le cadre du festival Manifeste en 2012, Night : Light a manifestement du chien.
Thomas Hahn

June Events, le 19 juin 2015, Atelier de Paris
 

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