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“Kings” de Gilles Baron
I, I will be king / And you, you will be queen… L’increvable rengaine “We could be heroes” de David Bowie donne le ton. Aussitôt, plusieurs adolescents en sweats et capuches traversent le public pour monter sur scène.
Forts d’une attitude rebelle sous-jacente, sobres, mélancoliques, silencieux et parfois menaçants, ils prennent possession de l’espace. Sous tension palpable, les corps donnent tout à sentir de l’aspiration à des lendemains meilleurs, du désir de sortir d’une impasse. Rois est la création principale de l’édition 2013 du festival Cadences d’Arcachon et se présente plutôt recluse, à l’image d’une huitre. Non, ces « djeuns »-là ne se livrent pas facilement.
Dans le song(e) de Bowie, le narrateur adresse un rêve entre kitsch, romantisme et violence à son amoureuse. Chez Baron, un gang de garçons livre bataille. Les éclairages suggèrent des cocktails Molotov qui explosent. Et après? Quand toute aspiration à une jouissance de roi ou de héros quitte les corps, quand le spectacle semble se noyer dans une gueule de bois, le conflit renaît soudainement, à l’intérieur du gang.
Faute de pouvoir conquérir le monde, soyons donc rois ou héros au moins entre nous! Le sol blanc et le rideau de fond, doré et soyeux, symbolisent les rêves baroques de pouvoir et de beauté. Mais le rideau tombe et rien ne se fait des envolées aériennes annoncées comme métaphore du pouvoir et du rêve. La raison est banale, elle est budgétaire. Aussi, le spectacle n’a pas pu se créer dans la version prévue. Le résultat relève donc d’une symbolique à double lecture. Voilà les acrobates cloués au sol, tout autant que leurs personnages, pour exécuter leurs salti et figures acrobatiques au plus près de la gravité. Et c’est tout aussi parlant.
Ce que Baron a pu accomplir est l’homogénéité. En effet, on ne distingue plus les danseurs des circassiens. Mais cela se fait au prix de la complexité et de l’innovation en matière de langage chorégraphique. La danse elle-même, dans un registre presque performatif (on songe aux ambiances crépusculaires dans certains spectacles de Gisèle Vienne) réserve aussi peu de surprises que le traitement du sujet lui-même. Au bout du compte, et malgré la sensibilité des personnages affichée au début, les rêves d’héroïsme passent, une fois de plus, exclusivement par la violence. Un projet aérien aurait sans doute permis de développer d’autres pistes.
Thomas Hahn
18 septembre 2013 - Festival Cadences - Arcachon
Distribution :
Interprètes : Guilhem Benoît, Lionel Bégue, Paul Canestraro, Clément Le Disquay, Raphaël
Gardrat, Itamar Glucksmann, Tatanka Gombaud, Sébastien Perrault
- Conception et chorégraphie : Gilles Baron
- Scénographie : Denis Tisseraud & Gilles Baron
- Dramaturgie : Juliette Plumecocq-Mech
- Réalisation sonore : Laurent Sassi
- Musique : Gabriel Fauré
Lumières : Florent Blanchon
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