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Au Théâtre du Rond Point, les Russes de Semianyki présentent leur nouveau spectacle. Un ballet de clowns.

"Semianyki" signifie "la famille". En l'occurrence, il s'agit d'une famille d'artistes, composée de certains anciens membres des célèbres Licedei. Et la famille prend le train, train qui ne saurait être autre que le fameux Orient Express. Qui n'en a pas rêvé (sauf ceux qui se le sont offert en vrai)? Quand on rêve, tout devient possible. Et c'est bien sûr par le songe qu'il faut aborder ce voyage dans le temps et dans la féerie russe, avec ses personnages fantasmagoriques, naïfs ou burlesques.

Semianyki Express se décline de fantaisie en fantaisie, mais d'un tableau à l'autre, le train n'avance pas toujours à toute allure. La famille russe en question cultive les bons vieux effets de style rétro qui font le charme des spectacles d'Europe de l'Est, avec une formation du mime à toute épreuve, référence mondiale en son domaine. Les Semianyki ont si profondément intégré tous les codes du théâtre gestuel burlesque qu'ils peuvent se permettre de jongler avec les situations-type et de lancer de petits clins d'œil, dans lesquels se cache toute une réflexion sur leur art.

Il n'y a pas de narration, mais de petites histoires à foison. Histoires d'amour ou de polar, histoires surréelles ou histoires de danse. Cet Orient Express-là permet de faire le tour du monde, presque comme dans Casse-Noisette. Le flamenco burlesque, la fée Clochette et même un zeste de butô, sans doute sans le vouloir, mais il faut dire que la voyageuse amoureuse (Yulia Sergeeva) joue la féminité diaphane avec une délicatesse dans la distanciation qu'on n'a pas vue depuis Kazuo Ohno. Sauf que c'est ici une femme qui joue la carte de l'androgynie renforçant la féminité. Et ce n'est pas le seul moment de confusion des genres déclinée de façon surprenante.

Quand l'Express s'échoue en Sibérie, tutus et danse sur pointes se mettent au service du patinage sur glace et du burlesque. Les parodies de ballet se produisent avec une subtilité clownesque inouïe. Au wagon-restaurant, le grotesque cuisinier agite ses couteaux à la barbe de deux spectateurs qui sont invités à prendre place sur scène.

Le savoir-faire de cette troupe qui a tant impressionné avec son spectacle fondateur La Famille est de nouveau sur le plateau. Et si le rythme du premier tableau, une folle course pour rattraper le train, digne des plus grands films muets, se perd en cours de route, ce spectacle nous dit aussi pourquoi il est moins romantique de voyager en TGV qu’en express d’antan. Ici, on voyage dans un délire d’images, mieux que dans un rêve, jusqu'au bout.

Thomas Hahn

28 mai - 5 juil., 21:00 Théâtre du Rond Point : salle Renaud-Barrault

Conception Teatr Semianyki avec Olga Eliseeva, Alexander Gusarov, Marina Makhaeva, Kasyan Ryvkin, Elena Sadkova, Yulia Sergeeva collaboration artistique Yana Toumina scénographie Iurii Suchkov