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« Mouvement [capturé] », seconde biennale de photographie de danse à Limoges
Forte du succès rencontré en mai 2013, la Compagnie Pedro Pauwels organise la deuxième édition de la Biennale de Photographie de la Danse. 3 jours dédiés à la photographie et à la danse, afin de mettre en valeur la complémentarité de ces deux arts et d’inciter les habitants à s’approprier, à déceler le mouvement dansé qui les entoure dans leur quotidien par l’instantané de la photo.
Entre expositions, performances et rencontres, le chorégraphe Pedro Pauwels rend hommage du 5 au 7 juin à la photographie de danse dans plusieurs lieux de Limoges
Danser Canal Historique : Pour quelle raison avez-vous eu cette idée d’exposer des photographies de danse ?
Pedro Pauwels : Parce que j’ai le sentiment que les photographes de danse ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Ils sont toujours à nos cotés, mais dans l’ombre. Pour autant, le danseur et le photographe se juxtaposent et l’on connait la difficulté pour nous, compagnies de danse, d’avoir des photos qui reflètent bien le mouvement. Cette biennale est donc un coup de projecteur pour faire un état des lieux de ces deux disciplines.
DCH : Quel photographe avez-vous invité pour cette seconde édition ?
Pedro Pauwels : J’ai voulu rendre hommage à Jean Gros Abadie dont les œuvres seront exposées au Pavillon du Verdurier. Cette idée m’est venue à partir d’une photo qu’il a faite de l’une de mes pièces « Eclipse » (1995). Il travaille discrètement dans l’univers de la danse depuis trente ans, c’est la raison pour laquelle je lui ai demandé d’élire un seul cliché par an au sein de toute sa collection de photos. Ce qui fut un choix draconien pour lui. Ainsi, le public pourra découvrir son œuvre par le biais de trente photos dont celles qui furent faites entre 1983 et 2000 sont en noir et blanc puis en couleur par la suite. Je lui ai aussi suggéré d’accrocher des planches de contact que je trouve très intéressantes parce qu’elles racontent le déroulé d’une pièce.
DCH : La photo semble figer le mouvement, n’est-elle pas à l’antithèse de la danse ?
Pedro Pauwels : Non, même si on connait la difficulté d’avoir des photos qui sont le reflet du mouvement. Jean Gros Abadie m’a photographié lorsque j’étais en haut d’un saut, il a su capter le geste culminant. Est-ce le hasard ou le talent du photographe qui anticipe le mouvement ? Ce sera justement le thème de l’une de nos tables rondes. Toujours est-il qu’il doit avoir des prédispositions pour la danse, l’aimer et la comprendre. Lorsque je vois une photo de danse cela me permet de songer à ce qu’il y a eu avant et ce qu’il y aura après cet arrêt sur image. À mon avis, la photo développe bien plus l’imaginaire qu’une vidéo qui dévoile tout.
DCH : La danse aura-t-elle aussi sa place au sein de cette biennale de la photographie ?
Pedro Pauwels : Bien entendu puisque les deux arts sont étroitement liés. Nous présenterons de nombreuses performances dansées, dans toute la ville et chez des commerçants de Limoges, qui seront interprétées par notre compagnie, ainsi que par Muriel Corbel et des artistes régionaux. Il y en aura pour tous les gouts à partir de 11 h du matin.
DCH : Pour quelle raison avez-vous sollicité la population pour un concours de photographies ?
Pedro Pauwels : Les gens ont de plus en plus de mal à faire bouger leurs corps et surtout à l’accepter tel qu’il est. On souffre de ces images travaillées et retravaillées qui présentent un physique soi-disant parfait. En conséquence, peu de gens osent se montrer. J’ai donc proposé à la population de la région, de photographier la danse dans leur quotidien : cours de danse, fêtes, bal, mariage, boite, Street Dance… Après sélection par un comité, une quarantaine de clichés sont retenus et seront exposés du 6 au 20 juin à la Bfm (Bibliothèque francophone multimédia) de Limoges. Aujourd’hui, tous les jeunes et moins jeunes se prennent continuellement en photo avec leurs smartphones, ainsi j’espère que ce concours les sensibilisera et changera leur regard sur le mouvement dansé.
DCH : Quels sont vos autres invités ?
Pedro Pauwels : Des conservateurs de musée, des chorégraphes dont l’École Supérieure chorégraphique (ACTS), des danseurs et surtout Agnès Letestu (danseuse étoile de l’Opéra de Paris), des photographes régionaux tel Christophe Péan et des philosophes. Tout cela pour des performances, des tables rondes et bien entendu des questions croisées.
DCH : Quel est votre budget pour cette manifestation ?
Pedro Pauwels : Un peu moins de seize milles euros. C’est très peu. J’aimerais qu’un livre soit la suite de cette exposition. Mais mon rêve est surtout de faire comprendre que la danse n’a rien d’élitiste, qu’il suffit de la ressentir, d’être étonné et séduit. Et pour conclure, j’ai surtout très envie de dire à mes amis : attention nous sommes dans une période où la danse souffre d’un manque de visibilité. Nous ne pouvons pas uniquement nous résoudre à fabriquer des pièces, il faut être porteurs de projets, créer des manifestations et essayer de les mener à bien. Nous devons absolument devenir partis prenante, il faut y aller, se bouger. Si on ne fait pas de résistance ou va la danse ?
Entretien recueilli par Sophie Lesort
Biennale de la photographie de Danse, « Mouvement [capturé] » du 5 au 7 juin à Limoges