Vusi Mdoyi et Via Katlehong Dance : « Via Sophiatown »
Vusi Mdoyi et Via Katlehong Dance : « Via Sophiatown »
Peu de compagnies osent et savent lier divertissement et acte politique comme les ambassadeurs passionnés de Johannesburg que sont Vusi Mdoyi et sa compagnie Via Katlehong Dance. Via Sophiatown est un musical consacré au souvenir d’un quartier interracial dans un pays connu pour sa politique institutionnelle de ségrégation.
Sophiatown, c’est l’histoire de l’Afrique du Sud avant et au tout début de la politique d’Apartheid, celle d’une réalité devenue utopie, suite à la mise en place d’un racisme d’état qui devait durer quatre décennies. A Sophiatown, le vivre-ensemble des cultures nourrissait une effervescence humaine et artistique, et le récit musical, chorégraphique et photographique du spectacle en témoigne.
La fin d’un modèle
Des vedettes mondiales comme Hugh Masekela ou Miriam Makeba ont grandi à Sophiatown, quartier partiellement détruit sur décision gouvernementale en 1955. Via Sophiatown raconte la vie d’avant l’expulsion de dizaines de milliers de résidents. Faut-il parler de déportation? Après tout, on installa les Noirs à Soweto, les Chinois ailleurs, et surtout pas au même endroit que les Indiens...
Personne n’était exclu de l’Apartheid. Mais tout le monde ne fut pas obligé de partir de Sophiatown. Les Blancs s’approprièrent le quartier qui désormais s’appelait « Triomphe » (le ridicule ne tue qu’au bout de quarante ans, durée de vie maximale d’une dictature) et retrouva son nom d’origine seulement en 2006, au cours d’une cérémonie en présence des personnes expulsées en 1955 et encore en vie.
Gumboots et Pantsula
Aujourd‘hui c’est Via Sophiatown qui triomphe. En première ligne, le Pantsula, danse de rue née à Soweto et le Gumboots, né dans le contexte de l’esclavage minier, intégrant des gestes des ouvriers et de leurs surveillants. Mais les photos le prouvent: le Gumboots fut dansé à Sophiatown devant un public mixte, dont beaucoup de Blancs d’allure très officielle.
Avec son côté documentaire et son message universaliste, Via Sophiatown dépasse de loin le cadre d’une revue divertissante et enthousiasmante. En effet, sa puissance musicale, énergétique et cinétique n’a d’égal que sa force symbolique. Danser devient le symbole de la volonté d’exister.
Via Sophiatown raconte la vie du quartier, de l’arrivée de nouveaux habitants à leur expulsion sur des camions militaires, les démolitions, les batailles de rue contre la police ou l’armée. On comprend, on revit avec eux cette blessure. Entre les deux, on danse, on fête, on se rencontre.
Au présent et même au futur
Et puis, c’est le grand saut dans le Johannesburg d’aujourd’hui. Le fluo remplace les costumes de ville aux coloris classiques, les chapeaux et casquettes. Un soupçon de Popping s’infiltre dans le Pantsula. C’est vrai que le Hip Hop est passé par là.
Certes, les interprètes ne sont des B-Boys, mais des danseurs d’aujourd’hui qui savent passer à la vitesse supérieure, plus endiablée encore. Aussi, Via Sophiatown retrace l’évolution des danses sud-africaines à travers les décennies et crée un autre symbole d’égalité. Alors que les danses sont nées dans un contexte masculin, la distribution compte quatre femmes et quatre hommes, et les unes ne servent pas de faire-valoir aux autres. En ce sens aussi, il s’agit d’une revue-manifeste.
Thomas Hahn
Théâtre de la Cité internationale
http://www.theatredelacite.com
14 juillet au 3 août - 20h30 • du mardi au samedi - 17h • les dimanches -relâches les lundis
Via Sophiatown
directeur artistique Buru Mohlabane
chorégraphe Vusi Mdoyi, avec la collaboration de Mpho Molepo
et toute l’équipe de Via Katlehong Dance
costumes Dark Dindie
lumière Alix Veillon
scénographie et direction technique David Hlatshwayo
chant et narration Nomathamsanqa Baba, Thembinkosi Hlophe
musiciens Jackson Vilakazi, Muzi Radebe
percussions Tshepo Nchabeleng, Vuyani Feni
danseurs Tshepo Nchabeleng, Vuyani Feni, Mandlenkosi Fanie,
Vusi Mdoyi, Mbali Nkosi, Matshidiso Mokoka,
Boitumelo Tshupa, Thembinkosi Hlophe
tarifs : 20 € • réduit 16 € • moins de 30 ans, étudiants, intermittents et demandeurs d'emploi 13 € • moins de 12 ans 8 €
Catégories:
Add new comment