"Pleurage et scintillement"
Jean-Baptiste André a un parcours artistique plutôt original à son actif. Depuis la création en 2004 d' Intérieur nuit , premier solo prometteur qui renversait les perspectives et troublait notre perception du corps, ce jeune circassien pluridisciplinaire s'est frotté à de nombreux univers. Il s'associe aujourd'hui à la danseuse et équilibriste allemande Julia Christ pour co-signer Pleurage et scintillement duo créé en juin 2013 aux Subsistances de Lyon et repris cette année au théâtre Monfort dans le cadre du Festival (des) Illusions.
Ça commence tout à la fin. La fin d'une soirée ou peut être une fin de bal. Un bar dont le sol est jonché de chaises renversées, un couple. Lui, titube. Il trébuche et se cogne de manière systématique et énervante contre les choses. Est il ivre ? Il semble avoir perdu ses points d'appuis et peut être même bien ses repères. Son corps dérive, déstructuré. Elle, la femme, déambule, elle paraît lasse, résignée, un peu échouée. Compagnons imprévus d'errance nocturne, ils se lient, deviennent complices d'une nuit qu'on imagine sans lune, sombre comme le fond d'une bouteille ou d'une âme déboussolée.
Elle fume, il passe des disques, leurs corps s'entremêlent, s'agrippent ou s'abandonnent, s'érigent à l'envers dans des équilibres fragiles et désaxés. La gestuelle souple et coulée emprunte à l'acrobatie, sauts sur les mains, larges ciseaux des jambes, roulades, le sol est très présent.
La danse de ce couple explore les sentiments et les sensations, construit la rencontre et relie leurs dissemblances. Il est insouciant, léger, elle est ancrée, passionnante, concentrée.
Les auteurs manient avec subtilité un grand éventail de contrastes émotionnels et physiques, dans lesquels la pièce puise sa consistance. Solitude-rencontre, force- fragilité, équilibre-vacillement, lassitude-énergie et enfin, l'optimisme qui perce un certain désespoir et nous laisse entrevoir un possible, là où tout était bousculé et opaque.
L'œuvre est théâtrale et on est rapidement capté par se qui ce joue, ainsi que par la présence lumineuse et intense de la danseuse Julia Christ.
Marjolaine Zurfuh
Le Monfort théâtre. Jusqu'au 23 mars.
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