Festival Faits d’hiver
Dans ce festival à géométrie variable, chaque format, inspiration ou communauté trouve chaussure à son pied dans un lieu qui en reflète la philosophie et l’aspiration.
Faits d’hiver se diversifie comme jamais, avec six créations et six nouveaux lieux qui rejoignent ce faiseur d’actualité qu’est Christophe Martin. Huit arrondissements différents pour un festival de danse parisien, il doit bien s’agir d’un record. Et la danse se glisse autant sous un chapiteau que dans d’anciens vestiaires de la SNCF. Aussi, « Henri » et « L’étrangère » pourront se redécouvrir par quatre fois. Les deux solos de Jean Gaudin et Nathalie Pubellier constituent le feuilleton de cet hiver. Burlesque, absurde et donquichottesque, Gaudin alias Henri affronte un drôle d’alter ego beckettien. Aux sons de son trombone, Izidor Leitinger tente de le pousser dans ses retranchements. Mais comme Henri (« on rit »?), il lutte avant tout avec lui-même. S’il en sort haut les fesses, c’est grâce à ce sens de l’humour qu’il fait éclater en tant qu’interprète de cette belle errance imaginée par Nathalie Pubellier. Après, c’est Gaudin qui crée pour sa propre chorégraphe, assez espiègle pour appeler ce solo inversé L’étrangère. Où l’humour s’incarne autrement, en frôlant le kitch et le clown au deuxième degré. Au bout de cet échange de très bons procédés, l’univers de l’un se reflète à travers l’autre. Ainsi traversés, ils traversent Paname et s’arrêtent dans d’anciennes douches pour cheminots, au Théâtre de Verre, près du Canal de l’Ourcq, dans un lieu bien caché et bien nommé, quelque part où Le vent se lève.
Cet esprit de vagabondage marque aussi le projet phare de l’édition 2014, Souls d’Olivier Dubois., une pièce pour six garçons de six pays africains différents. Elle se crée donc au moment-même où Dubois prend les rênes du Centre chorégraphique national de Roubaix. Mais le lien entre la frontière belge et l’Afrique noire est vite fait. Dubois va se lancer dans une coopération avec l’Ècole des Sables de Germaine Acogny, située au sud de Dakar. En toute logique, Souls se crée au Tarmac, plaque tournante parisienne de la création dédiée à l’espace de la francophonie. Ensuite, Souls fera irruption à Roubaix, quand Dubois ira à la rencontre de ce public collectivement tombé amoureux de Carolyn Carlson. Sûr qu’il est attendu au tournant, mais curieusement, la réflexion de la pièce sur ce qui lie les âmes d’aujourd’hui entre eux et avec les mythes pourrait créer une passerelle inattendue entre les univers de Carlson et Dubois. On attend donc Souls avec d’autant plus de curiosité.
La réflexion autour de la communauté, les racines, la mythologie et leur présence aujourd’hui est palpable chez Heddy Maalem, dans son grandiose Éloge du puissant royaume pour six krumpeurs français. Le défi était énorme. Créer une pièce de groupe à partir du Krump, cette approche de la danse aussi révoltée qu’individuelle, où les explosions d’énergie cinétique se font si rapides qu’elles défient l’œil humain! Le résultat est magistral et de pure beauté. Sans jamais trahir leurs racines et leur énergie, Maalem amène ces danseurs vers une épure graphique et un degré d’abstraction impressionnants. Présenter les krumpeurs, qui dansent pour ce qu’ils sont et pas pour devenir professionnels, à la Maison des pratiques artistiques amateurs, est un choix cohérent.
Pas de hasard non plus si Nous d’Anatoli Vlassov est présenté aux Chapiteaux Turbulents!, lieu crée par l’association Turbulences! qui œuvre dans les pratiques artistiques pour personnes atteintes d’autisme et troubles apparentés. Le Nous du titre peut alors autant s’adresser à la difficulté chez ces personnes à faire vivre une idée de groupe, qu’à notre lien avec eux. Vlassov a démontré l’énorme qualité poétique et humaine, mais aussi chorégraphique de son travail avec ces neuf autistes performers, quand il les a amenés, en 2012, en finale du concours "Danse élargie" au Théâtre de la Ville.
Pas de hasard non plus si Nous d’Anatoli Vlassov est présenté aux Chapiteaux Turbulents!, lieu crée par l’association Turbulences! qui œuvre dans les pratiques artistiques pour personnes atteintes d’autisme et troubles apparentés. Le Nous du titre peut alors autant s’adresser à la difficulté chez ces personnes à faire vivre une idée de groupe, qu’à notre lien avec eux. Vlassov a démontré l’énorme qualité poétique et humaine, mais aussi chorégraphique de son travail avec ces neuf autistes performers, quand il les a amenés, en 2012, en finale du concours "Danse élargie" au Théâtre de la Ville.
Faits d’hiver finira mi-février avec Les Noces, une variation sur Stravinski signée Frédérike Unger & Jérôme Ferron, comme pour relancer autrement la question de la possibilité d’une vie partagée. Le grand studio de Micadanses se transformera-t-il en salle des fêtes ou en château ?
Thomas Hahn
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