Entretien avec Akram Khan
Nous avons rencontré Akram Khan afin qu'il nous parle de sa dernière création ITMOi (in The Mind Of igor) , une relecture très personnelle du Sacre du printemps...
Comment est né le projet d’ iTMOi ?
Alistar Spalding, le directeur artistique du Sadler’s Wells à Londres, m’a demandé si je voulais créer une pièce sur le Sacre, pour un festival à l’occasion des cent ans de l’ œuvre. J’étais terrifié par le défi d’une comparaison avec les chef-d’œuvres de Nijinski et Pina Bausch. Et j’ai vu un grand nombre de versions, dont de très bonnes et de moins bonnes.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas utiliser la partition du Sacre ?
Je ne travaille jamais à partir d’une musique existante et je voulais rester fidèle à moi-même. Je cherche toujours le dialogue avec le compositeur parce que la personne derrière l’œuvre m’intéresse autant que la musique elle-même. C’est la première fois que je travaille avec trois compositeurs différents, ,
Le titre de la pièce est une gageure. Vous voulez donc entrer dans le cerveau de Stravinsky?
Stravinsky n’étant plus parmi nous, je me suis demandé comment je pouvais poser un regard sur tout son œuvre, et en particulier sur sa façon de créer l’émotion par des structures répétitives et autres schémas musicaux. Nous avons travaillé avec un chercheur qui a étudié toute la vie de Stravinski. J’ai pu consacrer moi-même plus de trois mois de mon temps à cette recherche parce que j’étais en convalescence de ma rupture du tendon d’Achille. A ce moment les médecins me disaient par ailleurs que ma carrière de danseur était terminée.
Quel est le rapport entre le Sacre et iTMOi ?
Je voulais faire une pièce nourrie de beaucoup d’aspects différents concernant Stravinski, sans perdre de vue le sujet du sacrifice. iTMOi est donc largement inspirée du Sacre du Printemps, mais aussi d’autres histoires comme Les Noces et Petrouchka. Ce qui m’intéresse est de regarder comment un souvenir est traversé par un autre, comme des souvenirs d’enfance qui s’effacent sont complétés par d’autres. Et si j’allais moi-même traiter le Sacre comme un souvenir, en ajoutant un personnage des Noces, et celui de Petrouchka?
Vous avez créé iTMOi en résidence à la MC:2 de Grenoble où, il y a peu de temps, Jean-Claude Gallotta a utilisé une version du Sacre datant des années 1960, dirigée par Stravinsky lui-même. Le Sacre y prend des allures de Free Jazz, dans une étonnante déconstruction par le compositeur lui-même.
En effet, Stravinsky était toujours en train de déconstruire ses propres règles. Je trouve cela fascinant. On pouvait lui poser une question sur le Sacre et la reposer une semaine plus tard, et il allait donner deux réponses très différentes, se justifiant en disant qu’il était engagé dans un processus de transformation permanente. La seule constante chez lui était la rupture. Et l’un de ses souvenirs d’enfance les plus marquants était le son de la glace de la Neva se brisant au printemps. Il parlait souvent de ce son incroyable. C’est aussi un aspect de son lien étroit avec les forces de la nature.
Propos recueillis par Thomas Hahn
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