En toute liberté : Les « MILF » de Katalin Patkaï
Dans MILF, Katalin Patkaï lance un vaste débat autour de l’image de la femme. La grossesse, vue comme vecteur de métamorphoses, alimente une fresque performative et iconoclaste.
MILF, comme : « millefeuille ». De l’Amazone à la femme enceinte, de l’animalité à la Barbie, de la femme au foyer à l’artiste, en passant par un état végétal par-ci, une Marylin par-là…. Chacune des quatre interprètes se transforme sans cesse, suggérant que chaque type d’identité féminine peut en cacher tant d’autres.
Face à ce poème visuel surréaliste, exécuté sur un échafaudage et dansé en arrière-plan, le public s’installe sur des banquettes et coussins couverts de fausses peaux de fauves. Une grande bâche noire cache l’échafaudage. Déchirée par la lenteur des couteaux, elle cède. L’échafaudage mis à nu, l’escalade peut commencer, la mythologie se dérouler sous nos regards médusés et l’image se briser entre les perches métalliques comme dans les miroirs d’un kaléidoscope. MILF lave l’image de la femme du maquillage de la bienséance, en l’exagérant jusqu’à son éclatement. Le rappel des instincts n’écarte pas l’inavouable, au contraire. Louves, cerfs ou biches instaurent un état de conte. Un bouquet de fleurs, symbole de la féminité contrôlée, est déchiqueté par un ventilateur…
La création de Patkaï prend comme point de départ des témoignages de femmes enceintes, leurs sensations, leurs perceptions et désirs et nous révèle des visions presque hallucinatoires. On les croyait si sages, dans leur rôle maternel ! En fait, que signifie MILF ? Non, ce n’est pas un « Mouvement international de la libération de la femme ». Ici, pas de paroles inscrites sur les torses dénudés. MILF renvoie au regard sur la femme comme objet du désir : « Mother I’d like to fuck » - la femme en âge d’être mère, érigée en fantasme sexuel. Mais le défi de MILF est le même que chez les « Femen » - mettre en jeu les concepts stéréotypés et canonisés du féminin.
Pour en finir avec la soumission, Patkaï a également pris la plume: « Mère aux aguets / Mère, enfant, femme, animal parmi les siens, parmi la jungle / Fougère / …/Gorgone, Baudelaire, monstres et compagnie du secret…/ Percés ». On ne fera pas rentrer cette MILF dans l’écrin d’un théâtre sans lui voler son âme. Le grand cube brut du Générateur leur a permis de respirer librement, sans corsetage ni soutien-gorge. Le phénomène « Femen » serait-il en train de libérer les femmes en scène ?
Thomas Hahn
« MILF » de Katalin Patkaï, Le Générateur, Gentilly, les 23 et 24 janvier 2014.
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