À Aix, 80 Roméos et Juliettes
C’est l’un des événements-phare de Marseille-Provence 2013 et du célèbre Festival d’Aix , et un des rares à impliquer artistes et habitants de la région. Josette Baïz crée une version chorégraphique de Roméo et Juliette avec une quarantaine de très jeunes danseurs du Groupe Grenade, et autant d’autres enfants des écoles d’Aix-en-Provence.
Comme à son habitude, Baïz travaille avec des enfants de toutes origines et tous niveaux scolaires, sans exclure les élèves en difficultés. Et comme toujours, le résultat est bouleversant. Chez ces jeunes de sept, dix ou quatorze ans, la danse contemporaine coule de source, ou disons plutôt qu’elle jaillit, d’autant plus que les élèves de Grenade apprennent un maximum de techniques différentes. D’où une maturité dans la maîtrise de l’outil d’expression du danseur qui ne cesse de surprendre. On a beau se le dire avant le spectacle, on se laisse prendre au jeu à chaque fois. A à la sortie du spectacle, face à l’apparence des enfants hors scène, on n’en croit pas ses yeux : Quoi, ils sont si petits ?
Pour ce Roméo et Juliette, Baïz recentre l’argument sur la relation entre les deux amants tragiques et fait interpréter les rôles-titres par des jeunes du même âge que celui que leur donne Shakespeare, à savoir seize ans au grand maximum! Mais entretemps, les civilisations occidentales ont tout de même inventé l’enfance… Avoir seize ans aujourd’hui et en 1600, cela ne se ressemble pas. Sur scène, la comparaison fonctionne pourtant, et si Grenade tient son pari, c’est grâce au professionnalisme des jeunes interprètes.
Les apparitions du corps de ballet sont autant de démultiplications des protagonistes. Leur jeunesse ne fait que souligner l’aspiration à la vie et à l’avenir qu’incarnent les jeunes amoureux, prêts à mourir par amour. Tel un chœur antique, ils accompagnent les protagonistes et commentent leurs envolées. Relevons surtout les solos fulgurants de Louna Delbuis Roy, une Juliette toute feu toute flamme. Explosivité et désespoir résonnent avec force dans une gestuelle articulée et musicale à la fois, qui peut emprunter aux combats de rue autant qu’à l’infinitude de la passion. Et l’univers de la rue reste présent quand ils slamment des textes de Frédéric Nevchehirlian, poète et compositeur qui anima des ateliers d’écriture sur Roméo et Juliette. Les textes déclamés avec leur regard particulier sur l’aventure Roméo et Juliette et la vie en général expriment donc directement la pensée des danseurs.
Et comme cette création est portée par un festival réputé pour l’excellence symphonique et lyrique, les amateurs de grandes émotions musicales sont également très bien servis. C’est en effet Gianandrea Noseda du London Symphony Orchestra, ancien directeur musical du Teatro Regio de Turin et de l’orchestre philharmonique de la BBC, qui vient à Aix pour la première fois! Il saura donner toute la dimension passionnelle à cette version de l’œuvre de Prokofiev, ici revue tout autant que le livret, pour projeter toutes les énergies autour de l’aventure amoureuse.
Thomas Hahn
Grand Théâtre de Provence
380 Avenue Max Juvénal
13100 Aix-en-Provence
Le 26 juillet à 18h et le 27 juillet à 20h
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