« Amiral Sénès » de Marion Carriau

Artiste associée de La Maison danse CDCN d’Uzès jusqu’en 2025, Marion Carriau signe ici sa troisième pièce, L’Amiral Sénès.

A l’origine de son projet, un illustre ancêtre énigmatique, un aïeul amiral qui possède sa propre statue dans la ville de Toulon. « Enfant, j’imaginais cette figure héroïque tantôt juchée sur un cheval en pierre noire au centre d’une place de verdure, tantôt dans une niche entourée de cascades et de végétaux » explique cette interprète de Joanne Leighton. Pour le projet, elle a fait des recherches auprès d’historiens, d’un généalogiste, d’un capitaine de bateau, d’une médium pour en savoir davantage sur cette légende familiale, qui a nourri son travail et celui des trois interprètes.

En prenant le parti de la dérision, la chorégraphe donne à voir une pièce à la fois drôle et grave qui déboulonne joyeusement la figure du héros en prenant des chemins très divers. Découpée en trois parties bien distinctes, la pièce commence par une parade grotesque de personnages bombant le torse, affublés de plastrons dorés, au son d’une musique de cuivres pompière à souhait. Suivra une deuxième partie tout aussi intrigante mais moins drôle puisqu’elle met en scène les mêmes personnages, délestés de leurs dorures mais lestés de chaussures type DocMartens aux semelles très lourdes.

Elles claquent comme des bottes ferrées et appesantissent leurs gestes en les enracinant profondément au sol. De plus en plus inquiétante, l’atmosphère se tend, laissant place à des corps et des visages grimaçants qui finissent de détruire fatalement la figure du héros. Le chacun pour soi a fait long feu et les voilà enfin dans une énergie commune avant que la fanfare, jusque là cachée dans les coulisses, surgisse et enfonce le clou d’une fraternité retrouvée. Malicieuse et sarcastique, cette création peut dérouter par son apparente hétérogénéité qui peut perdre le public en chemin.

Gallia Valette-Pilenko

Le 6 juin 2024 dans le cadre du Festival La Maison danse, Uzès