« Massiwa » de Salim Mzé Hamadi Moissi
Massiwa du comorien Salim Mzé Hamadi Moissi est une vraie découverte, due au pari un peu fou d’Olivier Meyer de produire et programmer en ouverture du festival ce jeune chorégraphe apparu pour la première fois dans l’édition précédente avec, justement, Soyons Fous.
Cette intuition ( car le spectacle de l’an dernier n’avait pas transcendé le genre) s’est révélée brillante, Massiwa étant une pièce formidablement bien construite et très réussie.
Galerie photo © Laurent Philippe
Mêlant à un hip hop virtuose et imaginatif, des danses et musiques traditionnelles comoriennes revisitées, Massiwa met en valeur une danse masculine plutôt athlétique, ardente, impétueuse, allant parfois même à la limite d’une violence toujours maîtrisée. C’est particulièrement frappant dans le passage où l’un des danseurs se trouve acculé par les six autres dont les bâtons qui leur servent d’accessoires se font menaçants.
Certes inspirée du shigoma, une danse des guerriers qui se pratique avec des bâtons symbolisant les épées, cette chorégraphie plutôt guerrière est en fait tirée du Wadaha, une très belle danse dans laquelle un groupe de femmes tourbillonne autour d’un mortier en donnant à tour de rôle de vigoureux coups de pilons qu’elles lancent en l’air et que leurs compagnes rattrapent à la volée.
Galerie photo © Laurent Philippe
Il faut ici ajouter que la société comorienne est l’une des seules à être encore matrilinéaire, bien que très majoritairement de religion musulmanne. De là aussi proviennent les châles somptueux que les danseurs portent à la fin et qui signalent, avec un regard très critique et un sens de la dérision, les « grands » mariages.
Mais ce n’est pas la seule source d’inspiration de Massiwa. Salim Mzé Hamadi Moissi est un fervent adepte du Krump, et il n’a pas hésité à colorer de cette énergie puissante sa chorégraphie, sans pour autant se priver de mouvements contemporains ou de la dynamique de la danse africaine.
Galerie photo © Laurent Philippe
Il a su également construire une dramaturgie qui nous fait passer d’un style à l’autre tout en légèreté, avec des traits d’humour bien trouvé, comme ces variations pour une seule chaussure, qui nous raconte, peut-être, le désir et la crainte pour ces objets de luxe à la fois beaux et contraignants, protecteurs et irritants. Mais c’est aussi les rythmes urbains d’aujourd’hui, qui envahissent les Comores comme tout autre pays.
En tout cas, le chorégraphe a relevé avec brio le défi d’être programmé en ouverture de ce 28e festival Suresnes Cités Danse, ce qui n’est pas donné à tout le monde !
Agnès Izrine
Vu le samedi 11 janvier 2020 à Suresnes Cités Danse
Catégories:
Add new comment