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Stomp à La Cigale

Créée à Brighton en 1991 par Luke Cresswell et Steve McNicholas, la troupe Stomp tourne dans le monde entier, de Hong Kong à Barcelone, de Dublin à Sydney et de New York à Paris. Nous avons assisté au spectacle qu’elle donne à La Cigale jusqu’au 14 janvier 2024.

D’après le Larousse anglais-français, stomp veut dire « marcher d’un pas lourd ». D’après celui consacré par ce même éditeur à la danse, le mot vient d’une déformation de stamp, qui signifie « trépignement ». Toujours est-il que Stomp a tout d’une onomatopée et sonne comme un coup de pied brut, massif et grave. Dans le jargon du jazz, un stomp « est la manière appuyée de marquer un rythme vif (…). Le chef d’orchestre signale souvent l’attaque d’un morceau en frappant le talon au sol selon le tempo choisi ». Le mot stomp figure dans des titres de musiques de jazz et de danse comme Jubilee Stomp (1928), Cotton Club Stomp (1929) de Duke Ellington et Stompin’ at the Savoy (1934) d’Edgar Sampson. En 1977, les danseurs Bill T. Jones et Daniel Nagrin avaient créé une pièce simplement intitulée Stomps. L’un des tap-dancers parmi les plus virtuoses de la fin du siècle dernier, Savion Glover, intitula quant à lui l’un de ses shows Stomp, Slide, and Swing (1998).

Certains claquettistes se considéraient (et se considèrent encore de nos jours) avant tout et surtout comme des percussionnistes. Fred Astaire lui-même eut l’occasion de démontrer à plusieurs reprises dans ses musicals qu’il était aussi un excellent batteur n’ayant pas besoin de baguettes pour jouer sur ses toms et ses caisses. Le tap-dancer Baby Laurence élargit son domaine au free-jazz, étant capable de danser sur toute musique ou tout son. Savion Glover, l’enfant prodige repéré dans le spectacle Black and Blue (1989), passé l’adolescence, fit le joint entre le jazz et le hip-hop. Nous eûmes plaisir à le voir au théâtre Jean Vilar de Suresnes dans des numéros époustouflants où il ne se contentait pas de briller dans ses souliers ferrés et où il tapait non sur des bambous mais sur tout ce qui était susceptible de bouger : des pots de peinture et des récipients de toute sorte. Nous le revîmes, à Broadway, en 1996, dans son musical d’esprit Stomp : Bring in ‘da NoiseBring in ‘da Funk.

Galerie photo © D.R

Ceci dit, le spectacle actuel de Stomp ne fait quasiment plus référence aux claquettes, qu’elles soient d’origine britannique ou africaine mais plus simplement ou bonnement à l’univers des percussions. Aux percussions domestiques, industrielles, urbaines mais aussi corporelles. Les huit artistes, blancs et noirs à parité, le genre masculin pour le moment en majorité, se dépensent sans compter. Ils réalisent, deux heures durant, une série de tableaux, de numéros, de routines qui sonnent sans trébucher ni discontinuer. Ils usent d’accessoires comme autant d’agrès les aidant dans leur création sonore – et également visuelle. Cela va des balais-brosses en chiendent et à manches en bois aux couvercles de poubelle en aluminium, en passant par le sable ou la sciure versée sur le sol qui leur permet d’exécuter du shuffle ou des pas glissés, par des rouleaux de caoutchouc de diverses tailles et sonorités, des seaux métalliques placés sous des éviers emplis d’eau, des serpillères à franges, des chariots de supermarché, des bâtons de bō-jutsu, des briquets à essence type Zippo qui produisent des effets lumineux dans la pénombre et claquent en se refermant, des valises à roulettes, des boîtes d’allumettes, de simples feuilles de papier journal... 

Galerie photo © DR

Au milieu du gué ou de l’écoulement du spectacle, les stompistes ou stompers accèdent au premier étage de leur installation scénographique – pour ne pas dire bazar –, au moyen de deux échelles en fer. Ils réalisent, une fois harnachés, un exercice qui tient de la varappe et de la frappe en tous sens. Inutile de dire que ce mur du son – pour reprendre l’expression de Phil Spector – servira également au final où il produira son effet maximum. À plusieurs reprises, les percussionnistes sollicitent les spectateurs pour frapper des mains en mesure et jouer à contre-temps  de manière chorale. Incapables, dirait-on, de supporter le silence, les huit artistes feront en sorte, une dernière fois, après les rappels, de décapsuler en rythme leur cannette de bière bien méritée.

Nicolas Villodre

Vu le 22 décembre 2023 à La Cigale.

Spectacle de STOMP à La Cigale, du 19 décembre 2023 au 14 janvier 2024.

 
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