« Seconde Nature » de Fabrice Lambert
Une fusion spectaculaire et méditative entre corps, images et éléments naturels.
L’énergie des éclairs et des vagues, l’endurance des arbres et des rochers : dans les images de Jacques Perconte, la nature est indivisible. Par les transformations subtiles introduites par le cinéaste, la forêt apparaît comme immergée dans des reflets aquatiques, et un plan d’eau peut prendre la couleur du feu ou du désert. Ici, la nature aussi a une seconde nature et les corps des quatre interprètes font paysage. Accroupis, exposés de dos, ils sont minéraux. Plantés verticalement, d’une grande mobilité intérieure, ils créent une forêt humaine, paradoxalement vivace dans la rigueur de leurs cadences spatiales.
Dans Seconde Nature, sans doute la pièce la plus aboutie, la plus éclatante de Fabrice Lambert à ce jour, le corps définit ce qu’est un paysage, à savoir un ensemble structurel, aussi contrôlé que libre, qui invite à la contemplation et à la méditation. Corps, images, son et lumières créent une énergie commune, organique et envoûtante, à l’instar de tout phénomène naturel.
Les corps qui passent du tellurique à une quasi-apesanteur, quand le quartet se sépare, se retrouve, se fige et repart sans cesse, sur des modes énergétiques variables mais toujours relancée, comme la vie elle-même. Aussi la danse est-elle emplie de ce tonus des éléments et de leur énergie, qui peut se décharger en un instant ou se partager en douceur, sur une durée in(dé)finie.
Galerie photo © Laurent Philippe
Seconde Nature donne aussi à méditer que, justement, il n’y aura pas de seconde nature sur cette planète, du moins pas de façon habitable pour l’homme. Dans chaque tableau, sur des rythmes et des énergies très diverses, Perconte, Lambert et ses interprètes (il en fait partie) rendent hommage à une conception hermaphrodite de la relation nature-culture. Entre l’homme et les éléments, chacun est la meilleure moitié de l’autre. Plus qu’un manifeste écologiste, cette pièce est un hommage à la volonté de partage, ce qui vaut aussi pour les éléments composant le spectacle.
Galerie photo © Laurent Philippe
Pour trouver une telle fusion entre les énergies cinétiques des corps et des images, il faut remonter à Formosa, ce magnifique hommage à la nature et à la population taïwanaise, dernière œuvre de Lin Hwai-min pour le Cloud Gate Dance Theatre. L’approche de Lambert est plus abstraite que celle de Lin, qui travaillait plus dans l’empathie vis à vis du travail agricole et du cycle des saisons. Mais Seconde Nature a au moins autant de beaux échanges entre le Yin et le Yang à offrir, pour chanter par les gestes qu’il n’y aura pas d’humanité sans complicité avec la force des éléments.
Thomas Hahn
Spectacle vu le 15 octobre 2020, Paris, Théâtre de la Ville (Abbesses)
Conception et chorégraphie Fabrice Lambert
Image et musique Jacques Perconte
Lumières Philippe Gladieux
Assistante à la chorégraphie Hanna Hedman
Interprétation Fabrice Lambert, Hanna Hedman, Lauren Bolze, Vincent Delétang, Jacques Perconte
Costumes Rachel Garcia
En tournée :
Le 20 novembre 2020 à la Maison de la musique de Nanterre
Le 3 décembre 2020 au Lux de Valence, scène nationale
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