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Programme Vu-An/ Aráiz /Duato/Scarlett par le Ballet de Nice

Quatre pièces, dont une nouveauté au répertoire de la troupe d’Eric Vu-An : Vespertine de Liam Scarlett

Présenté au Temps d’aimer à Biarritz et dans la foulée à Nice, ce programme conçu par Eric Vu-An, directeur du Ballet Nice Méditerranée, se construit autour du thème de la rencontre - à condition qu’une soirée de ballet se conçoive de cette manière. Rencontre qui aboutit parfois, ou bien en reste à la tentative. Si ce regard est peut-être trop « contemporain », l’idée d’un fil rouge apparaît, au moins a posteriori, à travers les différentes pièces qui convoquent diverses époques, du baroque au romantique, des années 1980 aux années 2000. Tout au long de cette soirée, la rencontre est aussi celle entre la danse classique et le XXe, voire le XXIe siècle.

Rencontre(s) amoureuse(s)

Eric Vu-An propose, en ouverture de ce programme aux styles très variés, une relecture du Divertissement qui fête l’union entre Swanilda et Frantz, dans Coppelia. Et il suggère qu’il aurait choisi ce morceau en hommage au Pays Basque, puisque les différentes danses font la part belle au pas des Basques. Un petit hommage à Thierry Malandain... Plus important semble être le changement de regard sur ces danses de fête, quand celles-ci font apparition sur un plateau vide et dans des costumes plutôt sobres.  

Sans décors et presque dépouillée de la psychologie des personnages, la danse apparaît sous un jour tout autre, où la forme prend le dessus sur la psychologie. Le geste parle pour lui-même et les costumes deviennent des œuvres d’art plastique au-delà de la connotation romantique. La succession rapide des différentes séquences se révèle être résolument contemporain, et la relecture d’Eric Vu-An touche à l’abstraction (le blan dominant des costumes !), plaçant le ballet dans l’avenir de la danse. Elle n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, le travail des chorégraphes contemporains qui déconstruisent les danses traditionnelles et sociales.

Adagietto d’Oscar Aráiz, ainsi nommé car dansé sur le quatrième mouvement de la symphonie N° 5 de Gustav Mahler, est un duo sensuel, jouant sur le ralenti et un mystérieux état d’impesanteur. Mettant en scène Maëva Cotton et Alessio Passaquindici devant un fond bleu, Vu-An accentue les sensations aquatiques qui se dégagent ici d’une danse capable de faire exister l’élément naturel entourant les corps. Cette faculté est reconnue comme étant l’apanage d’un Saburo Teshigawara, quand il s’agit d’air et de vent.

Dans Adagietto, chaque mouvement semble épouser l’eau. Et si les costumes, les attitudes et le vocabulaire portent les  marques de leur époque, et donc des années 1980, cette connotation est surpassée par la nature inouïe d’un vocabulaire où la plupart des mouvements vont à l’encontre de tout ce qui serait naturel, à la vie comme à la scène (de ballet).

Ce duo serait donc en quelque sorte un contre-ballet, également dans le sens de la contre-danse. Car ils possèdent une énergie vraiment fusionnelle et pourtant discrète. Leur apparente maîtrise de la gravité, dans des portés où le ralenti ferait ressortir le moindre grincement (mais il n’y en a point !), étonne d’autant plus que Passaquindici interprète cette sensualité paradoxalement distanciée, immédiatement après avoir donné vie au personnage de Frantz, dans un registre très rythmée et donc aux antipodes d’Adagietto. Un prodige !

Adagietto en 1986

Rencontres avortées

Il se repose ensuite dans Gnawa de Nacho Duato. C’est un bon choix, non seulement pour souffler, mais aussi parce que Duato colle un vocabulaire très articulé et calculé sur des musiques gnawa qui, tout au contraire, exultent la fluidité, la sensualité et la spiritualité. Cette musique appelle une extase, mais celle que Duato a imaginée n’est qu’agitation à l’occidentale. La communication entre Orient et Occident n’a pas lieu. S’agit-il d’un accident ou bien Duato voulait-il donner une démonstration volontaire de la difficulté à comprendre l’autre ? Tout au long de Gnawa, les rencontres homme-femme des sept duos ne sont pas moins âpres. Pourtant, ce n’est pas la compagnie qui est en cause, les danseurs ayant prouvé leur talent dans les trois autres pièces. L’Espagne est pourtant la terre où les deux mondes ont fusionné avec une intensité particulière.

Pour finir, retour à la case divertissement avec Vespertine, pièce pour six couples où le jeune prodige britannique Liam Scarlett emprunte à l’univers et au vocabulaire baroques avec beaucoup de swing, de lyrisme, de légèreté et de fluidité. Sous des éclairages suggérant un feu d’artifice, Scarlett accentue les différences entre deux groupes - qui correspondent souvent aux genres. Les uns en sous-vêtements blancs, les autres en lourdes robes pourpres. Malgré de multiples aller-retours vestimentaires, la tentative de rencontre entre les groupes doit échouer. Mais les sentiments sont au rendez-vous, de même que la fusion avec la musique d’Arcangelo Corelli. Ici la danse est ronde et ample, produisant souvent  avec une illusion de lévitation.

Le but du passage du Ballet Nice Méditerranée face à l’Atlantique, au Temps d’Aimer à Biarritz, était aussi de présenter cet ensemble à un nouveau public. Et l’impression laissée par la troupe est parfaitement convaincante. Physiquement très homogènes, les danseurs partagent visiblement un esprit en phase avec notre époque, une philosophie de travail et le plaisir de danser ensemble. Et ça donne envie de la voir plus souvent.

Thomas Hahn

Festival Le Temps d’aimer

               

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