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A Pôle-Sud, un mois de janvier au féminin

Pour les Strasbourgeois, l’année commence avec « elles », qui clament leur regard sur le monde et les hommes. 

C’est une tradition qui répond à une autre, quand Pôle-Sud, le CDCN de Strasbourg, déclare que « L’Année commence avec elles ». Le mois de janvier n’est pas un mois comme les autres. On pense au fameux « dry January » qui permet de se racheter des fastes des fêtes de fin d’année, voire des onze mois précédents. Une conception moraliste et de repentance, pour une sorte de carnaval à l’envers où ce carême séculaire prend revanche sur les excès en matière de joie de vivre. 

Et on peut alors, en pensant peut-être à l’histoire de Giselle, se demander si le mois de janvier permet de danser. Se demander aussi si, à Strasbourg où « L’Année commence avec elles », un concentré chorégraphique au féminin pourra produire une fièvre dansante, à l’instar de la célèbre danse de Saint-Guy qui s’empara des Strasbourgeois en 1518, et sera aussi emblématique de la capitale alsacienne que sa cathédrale. Ce virus de la danse dont on dit qu’il fut hautement contagieux faisait craindre aux autorités une perte de contrôle fatale. 

Par ailleurs, de plus en plus de chorégraphes contemporains font de cette utopie anarchique le sujet des leurs recherches, même si ce n’est pas exactement le cas des spectacles proposés en ce janvier 2024 à Pôle-Sud. On se dit tout de même qu’il n’est  pas impossible que Joëlle Smadja ait sciemment placé L’Année commence avec elles en janvier, dans l’idée de réchauffer le mois le plus froid de l’année par une énergie conquérante. Les spectacles qui constituent cette nouvelle édition ne sont pas sans remettre en question l’ordre artistique des choses, voire l’ordre patriarcal.

Le regard féminin

L’Année commence avec elles est consacrée aux écritures féminines et il n’est que naturel d'y rencontrer des œuvres qui prennent la thématique du regard féminin à bras le corps, à savoir : Maldonne  de Leïla Ka, où cinq femmes partent de gestuelles de l’archétype féminin pour parler de ce vêtement qu’est la robe, Elles disent de Nach [lire notre critique], Débandade d’Olivia Grandville [lire notre critique] et L’Homme rare  de Nadia Beugré, où cinq danseurs défient les codes du genre masculin, souvent nus et dos public, en se déhanchant sensuellement. 

Et bien sûr la création de cette édition, à savoir Olga Mesa avec Une table à soi, qui fait référence au célèbre essai revendicatif Une chambre à soi de Virginia Woolf. Pour la chorégraphe espagnole, il s’agit de créer une danse de mains qui s’articule entre installation performative et création scénique, dans un imaginaire féminin fortement affirmé pour un dialogue rêvé entre Virginia Woolf et Isadora Duncan, une mère, une sœur et une amie. 

Violence et glamour

Ruth Childs sera présente avec son solo Blast, tout en déflagrations imaginaires et reflet de la violence du monde qui s’abat sur les femmes, mais pas que [lire notre critique]. Ce qui n’empêche en rien la poésie. L’approche est très différente chez Marcela Santander Corvalán et Hortense Belhôte dans Concha, histoires d’écoute où la chorégraphe-interprète se joint à la comédienne et historienne de l’art pour un regard féminin sur l’histoire de la performance et du féminisme dans une conférence dansée, pop et électro. 

Chez Solène Wachter, le titre affirme en soi une position de contrôle et de décideuse For you / Not for you. C’est elle qui choisit qui voit quoi, des deux parties du public qui se font face. Elle cache, elle montre. Se transforme en vedette pop américaine sous les clameurs d’une foule en délire et déchire sa danse en poses-éclair, sous les flashes lumineux qu’elle déclenche de son propre pied. Ses gestes sont comme tirés au cordeau, sa danse comme dynamitée entre volonté et réalité. Une danse de cheffe. 

Thomas Hahn

L’Année commence avec elles : Du 11 au 26 janvier 2024

Strasbourg, Pôle-Sud CDCN 

Image de preview : "Maldonne" - Leïla Ka © Nora Houguenade

 

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