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« Initio [live] » de Tatiana Julien

À Chaillot-Théâtre national de la Danse, Tatiana Julien signe une fusion originelle entre danseurs, chanteurs et musiciens.

La version avec musique enregistrée, créée il y a un an au festival Instances [lire notre critique]  en avait étonné plus d’un. Déconcerté, même. Malgré toutes ses qualités. Comme prévu dès le départ, l’équipe vient de passer à la version augmentée, où les cinq interprètes chorégraphiques et le contre-ténor Rodrigo Ferreira invitent six musiciens, une soprano, le chef d’orchestre et un chœur d’une quinzaine d’amateurs à créer ensemble la très mystique Première Communauté  dont Initio relate l’errance.

Il va de soi que le spectacle s’en trouve profondément transformé. Le voyage initiatique des artistes arrive à destination, quelque part où se construit un espace partagé, sur un plateau où musiciens et choristes engagent leurs corps autant que les danseurs, et les danseurs semblent puiser leur gestes dans la même partition. Tatiana Julien et le compositeur Pedro Garcia-Velasquez ne restaurent pas une soumission de la danse à la musique, mais une vibration partagée où musique et danse se fondent en une polyphonie hermaphrodite des corps et des sons.

Galerie photo © Laurent Philippe

Les enjeux se déplacent

La version initiale, placée sous le suspense d’une relation triangulaire entre l’Ermite (Rodrigo Ferreira, contre-ténor), la Sibylle (Tatiana Julien) et la communauté, produisit un côté intimiste et film noir, en relatant l’errance sentimentale du guide spirituel, rattrapé par ses démons intérieurs. Initio [Live] déplace les enjeux. D’une pièce chorégraphique avec chanteur, on passe à un véritable opéra chorégraphique où la musique et le chant sont au coeur de l’œuvre, en accueillant en leur sein la partition interprétée par les danseurs.

Aussi, Initio [Live] n’est à regarder ni comme une pièce de danse ni comme un opéra. Tout se joue à l’interface, en dialogue et en suture, dans la convergence des écritures nourries d’une même source. Le livret d’Alexandre Salcède en fait partie intégrante. Au cours d’un voyage spirituel à travers le désert, la communauté expérimente différents modèles de fusion des langages artistiques. Choristes à quatre pattes (image renvoyant à La Mort et l’Extase de Tatiana Julien, mais ici sans nudité ni contact physique) et musiciens en arrière-plan, La Sybille (Lea Trommenschlager, soprano et Tatiana Julien dans un personnage double) se tenant au-dessus de la mêlée. Quand les danseurs entrent, les chanteurs du Chœur Calligrammes sortent.

Galerie photo © Laurent Philippe

Acte II : La fusion

La fusion présente son making-of à l’Acte II, quand les musiciens arrivent sur le plateau, jouent en marchant ou couchés sur le dos, dirigés par leur chef d’orchestre (Maxime Pascal) que d’aucuns ont pris pour un danseur endossant un rôle de composition, tellement ses gestes sont fluides et chorégraphiques. La violence (« Pour la possession du feu / les hommes assoiffés s’entretuèrent encore… ») est relatée comme dans la tragédie grecque, quand tous forment une communauté chantante, en contrejour, composant une image envoûtante.

 La première version d’Initio était portée par le jeu d’acteur. La seconde l’est par la fusion des énergies et des langages. Brigitte Asselineau danse comme pour jardiner les âmes, entre l’ici-bas et les sphères supérieures. Christine Gérard articule l’espace et le temps par chaque fibre de son corps. Rodrigo Ferreira chante comme poussé par son corps et son cœur à la fois.

Galerie photo © Laurent Philippe

Nouveau genre ?

Jouée live, la musique atteint une plénitude charnelle absolue et incarne en même temps l’ailleurs spirituel tant recherché. Il y a du Bach contemporain dans l’air. Pedro Garcia-Velasquez a composé la partition pour un orchestre de chambre qui dévoile, par la présence des instruments, combien il étend et distord ses gammes, du plus chaud au plus grinçant.

La musique possède ici un corps de danseur, les bruits de pas peuvent dialoguer avec l’orchestre et devenir un instrument au service de l’écriture musicale. A la fin du spectacle, l’opéra chorégraphique est devenu un genre à part entière. Le projet de l’Ermite, parti pour créer un nouveau genre humain, a échoué. Le projet d’un nouveau genre artistique est bien vivant.

Thomas Hahn

Vu à Chaillot - Théâtre National de la Danse le 29 novembre 2017

Le 23 janvier 2018, festival Art Danse, Dijon

Initio [live] Création : Le 29 novembre à Chaillot - Théâtre National de la Danse

Conception : Tatiana Julien et Pedro Garcia-Velasquez
Mise en scène / chorégraphie : Tatiana Julien
Composition musicale : Pedro Garcia-Velasquez
Livret : Alexandre Salcède
Direction musicale : Maxime Pascal
Projection sonore : Florent Derex
Lumières : Kévin Briard
Costumes : Pascale Lavandier
Scénographie et régie générale : Myrtille Debièvre
Orchestre : Le Balcon

PERSONNAGES / Interprètes

L’ERMITE : Rodrigo Ferreira contre-ténor

L’HOMME FRÉNÉTIQUE : Benjamin Forgues danseur

LA FEMME RÉVOLTÉE : Christine Gérard danseuse

LA DANSEUSE : Brigitte Asselineau danseuse

LE JEUNE HOMME FRAGILE : Yoann Hourcade danseur

LA SIBYLLE : Tatiana Julien danseuse, Léa Trommenschlager soprano

LES MUSICIENS :

Valentin Broucke violon
Héloïse Dély basse
Juliette Herbet saxophones
Askar Ishangaliyev violoncelle
Ghislain Roffat clarinettes
Axel Rigaud synthétiseurs

LE CHEF D’ORCHESTRE : Maxime Pascal

LA CITÉ : Chœur amateur local

 

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