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« Embers to Embers », Carolyn Carlson et Marie-Agnès Gillot

Elle a fait en mars dernier ses adieux d’étoile sur la scène du Palais Garnier. Et voici qu’à peine six mois plus tard, Marie-Agnès Gillot réapparaît pour une « soirée exceptionnelle » sur la scène de la Gare du Midi à Biarritz, en ouverture du festival Le Temps d’Aimer la danse.

Exceptionnelle, la soirée l’était en effet à plus d’un titre, ne serait-ce que par son unique représentation - une tournée en France et à l’étranger est néanmoins en préparation… -, mais aussi et surtout parce que la danseuse partageait le plateau avec une autre étoile, celle-là même à qui elle devait sa couronne* et qu’elle considère comme une de ses « maîtresses de vie » : la grande Carolyn Carlson.

Composée de cinq pièces, la soirée alternait solos et duos entre pièces anciennes et créations. Elle s’ouvrait par Déambulation, de Marie-Agnès Gillot, que celle-ci  interprétait avec le mannequin et danseur Luc Bruyère.

Déambulation - Galerie photo © Jean Couturier

Le corset pour le dos de la première et la prothèse du second, né avec un bras manquant, devenaient les éléments d’un corps à corps fait d’enlacements et d’empêchements. Une ode aux ‘rares différences’ - c’était déjà le titre du quatuor que la danseuse avait chorégraphiée en 2008 pour le festival Suresnes Cités danse -, malheureusement trop peu approfondie dans le geste et l’intention pour être autre chose qu’un simple prélude.

D’autant que le solo suivant, Diva, mettait en évidence combien l’acte chorégraphique requiert à la fois de complexité et de métier. Ces six minutes signées Carolyn Carlson, condensaient une écriture suggestive (avec un travail sur le buste et les lignes), un environnement sonore bouleversant (la voix de Maria Callas dans La Mamma Morta d’Andrea Chénier) et une interprétation incandescente de Marie-Agnès Gillot. Belle découverte d’une pièce datant de 1999 où, cette fois, le corps - et les bras -  de la danseuse étaient vraiment magnifiés dans leur expressivité douloureuse.

On attendait avec une curiosité bienveillante 7 Septembre, face à face des deux monstres sacrés conçu pour l’occasion. Mais malgré un début intriguant - les deux femmes en combinaison de chantier perdues chacune dans leurs mouvements et leurs pensées -, on reste quelque peu sur sa faim. La rencontre n’est qu’esquissée, dommage ! A la fin, Gillot reste seule sur scène tandis que sont apportés les éléments de décor de la pièce suivante, comme si les quelques minutes précédentes n’avaient été qu’un interlude entre deux moments forts.

Car Immersion, qui suit, est un pur concentré carlsonien dansé par Carolyn herself. Il est impossible de ne pas se laisser emporter par la gestuelle proche de la transe qui saisit la danseuse dans les dernières minutes de la musique de Nicolas de Zorzi, et transforme en moment exceptionnel la représentation. A cet instant, Carolyn Carlson n’a plus d’âge, elle est le mouvement, elle est la danse.

La soirée s’achève avec Black over Red, version raccourcie (a short dialogue, annonce le sous-titre) du Dialogue with Rothko créé par Carlson en 2013. Repris ici par Gillot, il prend une couleur encore plus abstraite et mystérieuse.

Black over Red - Galerie photo © Jean Couturier

Sur les notes en live du violoncelle de Jean-Paul Dessy, la danseuse transforme cette conversation chorégraphico-picturale en une sorte de manifeste artistique qui met en évidence son tempérament théâtral. Lequel, ainsi qu’elle l’a annoncé le 4 septembre sur les ondes de France Inter dans l’émission Le Nouveau Rendez-Vous, trouvera bientôt à s’exprimer sur les écrans de cinéma…

Isabelle Calabre

Le 7 septembre 2018 à la Gare du Midi à Biarritz, festival Le Temps d’Aimer la danse.

* La nomination eut lieu le 18 mars 2004 à l’issue du ballet Signes de Carlson

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