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Claire Cunningham : "4 Legs Good"

Des béquilles comme partenaires organiques, pour une danseuse aux quatre jambes et sa danse auto-inclusive.

Claire Cunningham est Ecossaise. Vivant à Glasgow, elle a été privée de l’usage complet d’une de ses jambes depuis ses quatorze ans. « Pendant longtemps, je n’arrivais pas à accepter ma nouvelle condition. C’est la danse qui m’a réconciliée avec mon corps », dit-elle au cours de son spectacle-conférence. Quatre jambes, c’est bien. Mieux que deux, parfois. Surtout dehors, sur un sol glissant. Pratique. Et aussi quand on veut tenir debout, pour s’appuyer comme contre un mur, même quand il n’y en a pas. Avec le temps les béquilles sont devenues ses complices, ses amies, à la scène comme à la ville.

Toute sa danse repose sur les qualités des deux instruments, très classiques, « pas du tout un nouveau design à a mode, mais le modèle traditionnel britannique. » Lequel se distingue des béquilles utilisées sur le continent par l’anneau qui tient le bras. Anticipant le comportement des extensions de son corps dans chaque position et chaque mouvement, connaissant parfaitement leur poids, leur résistance et leur capacité à glisser, Cunningham a développé un langage chorégraphique sur mesure pour son corps et ses béquilles, à partir d’un vocabulaire qu’on doit au chorégraphe américain Bill Shannon qui danse – dans la rue – avec une paire de béquilles et un skateboard.

Si Shannon souffre d’une déformation osseuse qui cause des douleurs dès que ses jambes doivent porter le poids du corps, Cunningham est atteinte d’ostéoporose. Chacun d’entre eux a développé une danse très personnelle. Et la démonstration de Cunningham dans 4 Legs Good donne en effet à comprendre que le fait de sortir des terrains du corps normatif éloigne aussi des enseignements standards. Aucun corps en situation de handicap ne ressemble à un autre et des solutions individuelles doivent être créées pour chacun. Le résultat est une créativité insoupçonnée.

« Je voudrais que le monde de la danse reconnaisse qu’il s’agit d’une vraie technique de danse », dit Cunningham. De cette technique elle a donné, au Festival de Marseille, un aperçu très instructif, dressant en même temps un autoportrait plein d’humour typiquement britannique. Présenté à la Friche Belle de Mai, son solo a attiré de nombreux spectateurs en situation de handicap, corporel ou visuel.

Car Cunningham est une personne qui dit ce qu’elle fait : Elle décrit en direct chaque image d’elle-même, chaque position de son corps, chaque mouvement. Pas besoin d’ajouter une audiodescription pour les déficients visuels, elle est intégrée dans le spectacle. Et pour les non entendants, il y a une traduction en langue des signes. Danse inclusive donc, mais pas dans le sens que Cunningham soit incluse dans une compagnie de danseurs « valides ». Ici, c’est inclusif pour le public.

Cet autoportrait en spectacle-conférence a aussi été pour elle la voie pour créer dans les conditions imposées par la pandémie avec ses confinements et autres mesures sanitaires, le temps de mettre en place une nouvelle création qu’elle est aujourd’hui en train de préparer, ayant réuni à ses côtés des institutions chorégraphiques de premier plan. En Allemagne.

Car outre-Rhin et outre-Manche, la cause de la danse non-normative et inclusive est bien mieux intégrée dans le paysage qu’en Hexagone où le nombre de compagnies de danse professionnelles est bien supérieure, alors qu’en matière de danse inclusive, on constate l’inverse. D’où l’importance de la l’invitation faite à Cunningham au Festival de Marseille 2023. Et un espoir vif de pouvoir découvrir Cunningham dans ses créations, passées ou à venir, où sa technique ne sera pas en démonstration, mais en jubilation.

Thomas Hahn

Festival de Marseille, la Friche Belle de Mai, Petit plateau, le 6 juillet 2023

 

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