Journée Internationale de la Danse : Un message de militant
C’est un message sombre et lumineux à la fois, et donc à l’image de ses spectacles, que Lemi Ponifasio a adressé aux monde de la danse (et au reste de la planète) le 29 avril. Invité à rédiger l’édition 2016 de cette allocution annuelle, il succède à des personnalités comme Maïa Plissetskaïa, Pina Bausch, Maguy Marin, Germaine Acogny, Mats Ek, Lin Hwai-min, Merce Cunningham, Maurice Béjart, Kazuo Ohno et tant d’autres, l’International Theatre Institute (ITI) ayant créé cet événement en 1982.
Journée Internationale de la Danse © Felix Reinhard
Avec trois propositions chorégraphiques, la soirée était, malgré sa diversité artistique, placée sous l’enseigne des échanges entre l’Asie/Océanie et l‘Occident. Est-ce la raison pour laquelle la cérémonie présentée à la Grande Halle de La Villette a accueilli Rouge ? Ce ballet créé par le chorégraphe chinois Dong Jie pour la Shanghai Theatre Academy, est de facture parfaitement occidentale, dans un esprit plus proche de Serge Lifar que de Lemi Ponifasio.
Pourquoi un ballet de Shanghai ? Pour fêter Noverre, bien sûr, mais sans doute aussi parce que le siège de l’ITI a été transféré de Paris à Shanghai en 2015. Autre célébration transcontinentale au programme : Shantala Shivalingappa, dans le très émouvant solo composé pour elle par Pina Bausch, grande amie de Savitry Nair, la mère de Shantala.
Dans cette rêverie chorégraphique où les mudras font des clins d’œil à la musique tropicale, deux pièces de Pina Bausch semblent se croiser : Agua et Bamboo Blues. En vérité, la chorégraphe de Wuppertal l’a conçu de façon isolée. En 2007 Shivalingappa décida d’en faire le point de départ pour la création de son spectacle Namasya, et on peut le visionner sur le site de Numeridanse : voir lien
Mais c’est évidemment Lemi Ponifasio qui était au centre de cette Journée Internationale de la Danse. Et il n’était pas venu pour trahir son univers, où tout acte posé sur un plateau de théâtre navigue entre ancrage dans le rite traditionnel, expressionnisme à l’occidentale et design scénique sobre mais sophistiqué: Danses haka des Maori, unissons gestuels précis et chiadés, appel omniprésent du royaume des ombres...
Dépouillé par nécessité, le spectacle composé pour la soirée - à partir de pièces existantes (I Am et Stones in her mouth) - offrait bien plus qu’une introduction au travail de la compagnie MAU ou un assemblage fortuit. Au contraire, la sobriété chorégraphique et scénographique a permis d’aller droit à l’essentiel, dans une pièce parfaitement construite. On a pu y découvrir les danseuses-chanteuses de la compagnie MAU et des interprètes de MAU Mapuche, compagnie créée au Chili en 2015 pour le spectacle I Am : Mapuche.
Toujours aux côtés des peuples originels et des laissés-pour-compte, et donc aussi des Mapuche, Ponifasio n’a pas mâché ses mots pour évoquer les drames actuels: « Nous maltraitons notre monde comme nous maltraitons nos enfants que nous envoyons mourir à la guerre comme dans le désert ou dans des camions-containers. Nous sommes une espèce qui consomme ses propres enfants. »
A partir de ce constat, l’activiste universaliste et grand chef de Samoa (« C’est les autres qui m’ont classé comme chorégraphe ») esquisse les enjeux de la danse, une « manifestation de gens engagés dans la coopération et la recherche du beau, /…/ une invitation à transformer. » Il en déduit un appel sociétal et social: « Amenons la danse dans les hôpitaux, les prisons, les camps de réfugiés, chez les handicapés sur tous les continents /…/ Faisons de la danse un mouvement d’amour, de justice, de lumières et de vérité! »
Thomas Hahn
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