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“Parades & Changes, Replay in expansion” d’Anne Collod
Il arrive parfois d’avoir envie d’être égoïste et de ne pas vouloir partager donc d’écrire sur une pièce exceptionnelle où les émotions, la joie, l’envoutement et les images splendides nous ont profondément touchés.
C’est le cas pour Parades & Changes, Replay in expansion d’Anne Collod qui a été présentée au Centre des Bords de Marne du Perreux dans le cadre de la Biennale de Danse du Val-de-Marne.
Cette œuvre majeure de 1965 d’Anna Halprin réinterprétée par Anne Collod est un véritable bijou de concepts insensés qui reflètent une époque où tout semblait autorisé. Sauf que, pour cause de nudité, la pièce fut interdite aux Etats-Unis pendant vingt-cinq ans.
Ce chef-d’œuvre comparé à une partition pour corps, sons, lumières, objets hétéroclites et scénographie architecturale se dessine avec une rare intelligence. Le rythme est la base de toute intention. Qu’il soit très lent où énergique, il définit chaque situation, décrit de puissantes images, effraye lors d’une chute rapide de l’échafaudage, permet de gouter une idée et par-dessus tout, distille une intense poésie.
Oui parades est le juste titre étant donné qu’il en existe plusieurs. Celle où les interprètes installent bien en ligne une multitude d’objets qui n’ont rien à voir entre eux. Lentement, ils s’en emparent, s’en décorent. Puis finissent pas vêtir trois artistes avec tous ces éléments. Lourdement travestis en n’importe quoi avec des tissus, des seaux, des panneaux, des passoires, des paniers…. l’un se dirige vers les loges, un autre déambule sur le plateau qui est dorénavant nu et le dernier, suivi par une caméra dont la retransmission est projetée en direct en fond de scène, traverse le hall du théâtre pour atteindre difficilement la rue où les passants sont ahuris face à cet insolite personnage. Eclats de rire dans la salle.
Parade aussi lorsque ces hommes et ces femmes tous en costume noir et chemise blanche se regardent, puis dans une extrême lenteur, se déshabillent et se rhabillent, tout cela les yeux dans les yeux ou en fixant franchement le public.
Autre parade avec un immense échafaudage investi par quatre circassiens qui, sans aucune protection, escaladent et se meuvent dans une cadence effrayante.
Enfin, magnifique bouquet final lorsque tous les artistes entièrement nus en fond de plateau déchirent de longues feuilles de papier kraft et font voler les morceaux au dessus d’eux. Ils finissent par les enrouler autour de leurs corps afin que, comme dans la parade des objets, plus rien ne subsiste sur scène.
Décrire tout cela n’explique pas la vie et la flamboyance de cette œuvre car le plus essentiel est qu’ici, la magie du spectacle vivant opère dans toute sa splendeur. La communication entre spectateurs et interprètes est primordiale ainsi que la façon dont la compagnie s’adapte à chaque lieu. Ainsi, il est évident que d’un théâtre à l’autre, la représentation sera différente et d’un public à l’autre, l’émotion, la poésie, la notion de liberté et la folie seront inégalement perçues.
Voilà les raisons pour lesquelles il semble dommage de déflorer la superbe de ce spectacle unique, sensible et ahurissant.
Sophie Lesort
Le 12 mars 2015, Biennale de danse du Val-de-Marne, Centre des Bords de Marne, Le Perreux.
Parades & Changes, Replay in expansion
conception et direction artistique d’Anne Collod en dialogue avec Anna Halprin et Morton Subotnick.
Danseurs : Anne Collod, Ghyslaine Gau, Saskia Hölbling, Laurent Pichaud, Fabrice Ramalingom, Pascal Queneau, Sherwood Chen.
Circassiens Yoann Demichelis, Ignacio Herrero-Lopez, Eric Lecomte, Chloé Moura.
Musique de Morton Subotnick par Pierre-Yves Macé
Lumières, Henri-Emmanuel Doublier. Régie générale, Franck Condat
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