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Entretien avec José Martinez

 

Un pari réussi
Entretien avec José Martinez, directeur de la Compagnie Nationale d’Espagne.

La Compagnie nationale d’Espagne, qu’il dirige depuis 2011, présente du 27 au 29 janvier au Théâtre des Champs-Elysées un programme de trois pièces : Sub, d’Itzik Gallili, Extremely Close, d’Alejandro Cerrudo, et Casi Casa de Mats Ek. Entretien avec José Martinez.

Danser Canal Historique : À quand remonte la dernière venue à Paris de la compagnie ?

José Martinez : C’était en 2010, au Théâtre du Châtelet. La compagnie était alors dirigée par Nacho Duato, dont elle dansait les pièces d’inspiration néoclassiques ou contemporaines. Lorsqu’il est parti, et que j’ai ensuite été nommé par le ministère de la Culture espagnol au poste de directeur, il a fallu recréer tout un répertoire.

DCH : Quelle situation avez-vous trouvée à votre arrivée ?

José Martinez : C’était assez complexe. J’avais face à moi 42 danseurs plutôt dubitatifs. Comme je venais de l’Opéra de Paris, ils s’imaginaient que j’étais là pour remonter Giselle, or certains d’entre eux ne pratiquaient plus de danse classique depuis des années. Par ailleurs, la compagnie n’avait plus de répertoire - puisque Nacho était parti avec ses pièces - et aucune représentation n’était prévue pour la saison 2011-2012… Ma priorité a donc été de bâtir un premier programme, avec des pièces de Forsythe, Preljocaj et Cerrudo, que nous avons travaillé durant le dernier trimestre 2011 pour être prêts en janvier. Puis nous avons progressivement élargi notre répertoire et augmenté le nombre de représentations, passées de 36 en 2012 à 70 en 2014. Quant aux tournées, nous les avons multipliées, tant en Espagne qu’à l’étranger (nous sommes même allés en Chine l’an passé).

DCH : Comment définiriez-vous votre projet artistique ?

José Martinez : Il est double et c’est là son originalité. Je souhaite aussi bien développer les qualités existantes des danseurs en les frottant à une création réellement contemporaine, que renforcer leurs bases classiques et renouer avec un grand répertoire qui n’était plus abordé. Dans ce but, j’ai fait venir comme maître de ballet Stéphane Phavorin, ex-premier danseur de l’Opéra de Paris, et je suis moi-même très souvent présent en studio.

La compagnie est jeune - sa moyenne d’âge tourne autour de 25 ans -, et composée de fortes personnalités. À la différence d’autres ballets, il n’y a pas vraiment d’homogénéité de styles ni même de physiques. À mon arrivée, certaines filles n’avaient pas chaussé de pointes depuis sept ans et quelques-unes, de toutes façons, ne le feront pas parce qu’elles ont un type particulier de présence au sol et de verticalité tout aussi appréciable. Cette variété de profils suscite une émulation tout à fait positive.

Sub  d'Itzik Gallili  @ J.M. Zarzuela

 

DCH : Avez-vous les moyens de travailler, malgré la crise que traverse l’Espagne ?

José Martinez : Nous avons subi, c’est vrai, une baisse de moins 18 % sur le budget 2012. Mais comme j’en avais été averti préalablement, j’avais conçu la programmation en conséquence. L’année suivante, en revanche, notre dotation est restée stable. Pour la prochaine saison, j’espère même la voir légèrement progresser car pour la première fois depuis 18 ans, nous avons tenu les objectifs du cahier des charges en réussissant à doubler le nombre de représentations. En effet, il existait jusqu’ici de la part des théâtres régionaux espagnols une forte demande de répertoire classique, que nous sommes désormais à même de satisfaire. Tandis qu’une partie de la compagnie tourne avec une œuvre contemporaine, l’autre présente, ailleurs, un grand ballet du répertoire. C’est le cas en janvier : une petite moitié de la troupe est à Paris et l’autre interprète à Murcia un extrait du Don Quichotte, ainsi qu’In the Middle, de Forsythe !

 

Extremely close d'Alejandro Cerrudo

DCH : Présentez-nous votre programme parisien...

José Martinez : Il définit bien ce qu’est la compagnie aujourd’hui. Sub, créé pour le ballet Rambert, est entré à notre répertoire en 2013. C’est une œuvre très masculine, physique, où les sept danseurs vont jusqu’à l’épuisement de leurs forces. À l’inverse, Extremely Close, que nous avons créé en 2012, baigne dans un univers zen sur une musique de Philip Glass. Son auteur, Alejandro Cerrudo, a dansé chez Kylian au NDT2, avec lequel il continue à collaborer. Enfin, Casi Casa de Mats Ek est adapté d’ Appartement, créé en  2000 pour le Ballet de l’Opéra de Paris. C’est un ballet à dimension plus sociale, presque métaphysique.

Casi Casa de Mats Ek @ Jesus  Vallinas :

DCH : Vous étiez interprète, vous êtes maintenant directeur de compagnie. Diriez-vous de votre nouvelle vie que c’est un pari réussi ?

José Martinez : J’aurais pu rester à Paris et devenir maître de ballet au sein de l’Opéra, mais j’ai choisi de vivre mes propres aventures à Madrid et je suis très heureux de cette prise de risque. Dans ces nouvelles fonctions j’ai reçu une formation ‘sur le tas’ et j’ai appris énormément, y compris de mes propres erreurs du début. Maintenant, je sais comment ça fonctionne, c’est plus simple qu’à mon arrivée. J’apprécie de décider seul de ce que je veux faire, de m’occuper personnellement des danseurs, de prendre le temps d’établir une relation avec chacun d’eux. C’est aussi cela qui façonne l’identité d’une compagnie.

 

Propos recueillis par Isabelle Calabre

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