Error message

The file could not be created.

Add new comment

Le Temps d’aimer : Le collectif HEDO crée « Douslèt »

Danser le déchirement entre l’attachement à ses racines et l’appel de la « métropole » : Douslèt, nom donné en référence à l’art confiseur guadeloupéen, met en scène un très prometteur collectif, révélé par la plateforme Jumping à Pointe-à-Pitre et Le Temps d’aimer la danse, le festival biarrot ayant même provoqué la rencontre entre HEDO et le compositeur basque Kristof Hiriart.

A priori, peu de choses semblent lier les compagnies du Pays basque et celles de la Guadeloupe. Mais la distance géographique et les différences culturelles cachent des parallèles dans les rapports à l'héritage et au territoire. Les deux partagent aussi une certaine difficulté à se faire une place sur les scènes hexagonales. Dans les deux régions, la migration, facteur clé historique, continue à jouer un rôle important, beaucoup de jeunes, et a fortiori les artistes, étant confrontés à la question de savoir s'il faut s'installer en « métropole ». En Danse comme en musique, quel écho donner à la tradition dans ses créations, forcément liées au monde actuel ?

En 2022, dans le cadre du Temps d'aimer la danse, un Focus Caraïbes a permis aux artistes et acteurs des deux régions de se rencontrer. Notamment, les quatre danseurs du collectif guadeloupéen HEDO et le musicien électronique Kristof Hiriart, enfant du Pays basque, ont décidé de travailler ensemble. Ils ont été accueillis, entre autres, au CCN de Biarritz ou encore au Carreau du Temple, à Paris. Avec un très beau résultat, un Douslèt  dansé en première mondiale dans le cadre du Temps d'aimer 2025, et ce dans le village de Louhossoa. Aussi le festival souligne ses attaches régionales, comme pour mieux relever les liens des uns et des autres avec leurs paysages respectifs.

 

Alors, faut-il « rester ou partir » ? Se réinventer chez soi ou dans un ailleurs ? C’est bien le dilemme vécu par les jeunes aux Antilles comme dans les provinces basques. Aussi le quatuor danse une virevoltante élégie de l’être qui s'attache à la terre et aux siens, alors que des forces invisibles mais puissantes exercent un déchirement centrifuge et complexe, pourtant non dépourvu de douceur. Rondes, unissons, gestes et costumes sont innervés de la tradition, revue par une énergie jeune et actuelle.

Côté paysage sonore, on aperçoit quelques échos de gwokas comme de chorales basques, ainsi que le récit d'un Guadeloupéen anonyme, parti vivre à Lyon, qui témoigne de son choc émotionnel et culturel. Car Douslèt  s’appuie sur une recherche de terrain, recueil de témoignages sur la perte de soi entre racines et diaspora. Le sentiment de déracinement se transforme en tourbillon chorégraphique, alors que le début du spectacle est une longue valse-hésitation dansée en ligne, dans une quasi-immobilité extérieure, tel un souvenir auquel on tente de s'arracher.

 

Ce Douslèt, avec ses danses en lignes et ses tourbillons qui se traversent mutuellement, s’empreigne d'une belle maturité, d'autant plus admirable qu'il s'agit d'un travail collectif. Ce qui n'est jamais facile. Mais le rapport intense à un territoire est sans doute un facteur rassemblant, aux Antilles comme au Pays basque où Bilaka, Kukai Dantza et autres travaillent dans le même dialogue avec la culture-racine.

Avec cette création de belle facture, le collectif HEDO confirme sa réussite au Tremplin Chorégraphique Caribéen, Jumping #1, où il fut lauréat pour bénéficier ensuite d'une coproduction par différents acteurs, dont le festival Le Mois Kreyol organisé par la chorégraphe Chantal Loïal. On s'intéressera donc d'autant plus à l'édition Jumping#2 en soutien à l'émergence dans la Caraïbe et l'Amazonie qui aura lieu en mars 2026.

Thomas Hahn
Vu le 7 septembre 2025
Le Temps d’aimer la danse, Louhossoa, théâtre Xavi Herri

Chorégraphes et interprètes : Naomi Yengadessin, Kenyah Stanislas, Mickaël Top, Lisa Ponin
Création lumière : Roger Olivier  
Création musicale et conseils dramaturgiques : Kristof Hiriart

 

 

Catégories: