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Les Ballets de Monte Carlo, une troupe renouvelée
De Biarritz à Monaco, le nouveau visage de la compagnie se révèle dans son grand classique, Vers un pays sage.
Altro Canto et Vers un pays sage : Deux créations de Jean Christophe Maillot qui se complètent en évoquant la complémentarité entre le vie et la mort. Si les pièces sont aujourd’hui des classiques de la compagnie, celle-ci s’est offerte, ces dernières années, une nouvelle identité. Huit danseuses et dix danseurs ont rejoint Les Ballets de Monte-Carlo ces trois dernières années, dix-huit donc pour un ensemble de quarante-sept. Ce qui fait plus d’un tiers, sans oublier que la nouvelle vague est en fait arrivée dès 2016, quand huit nouveaux danseurs ont été recrutés. En somme, la moitié de l’effectif a été renouvelé en quatre ans ! Mais au-delà des chiffres, il y a la manière de se présenter sur le plateau, les morphologies et les personnalités qui ont évolué et donnent un nouveau visage à la compagnie.
Les singularités soulignées
Visiblement, il y avait là une volonté, non pas de révolution, mais de faire un pas de plus sur un chemin…vers un pays plus sage ? Le nouveau visage de la compagnie est un reflet de la diversité de notre monde, avec des interprètes qui viennent de toute l’Europe et de toutes les Amériques, et bien sûr d’Asie. On voudra ici objecter que ceci est vrai pour toutes les compagnies de ballet, de France et de Navarre, et bien sûr aussi à Monte Carlo, avant 2016. Et c’est vrai. Mais au-delà de leurs cultures d’origine, ce sont ici les individualités qui éloignent la troupe de l’image type d’une compagnie de ballet française. D’ailleurs, l’ensemble ne compte que quatre Françaises et aucun garçon venu de l’Hexagone. Pourquoi ? Selon Maillot, « il devient difficile de trouver des danseurs d’un tel niveau technique en France. »
Mais avant tout, il s’agit de maturité dans la présence et dans l’expression. Dans la nouvelle troupe monégasque, on est d’abord soi-même avant d’être le produit d’une école. Dans sa diversité des morphologies, des couleurs de peau et des personnalités qui s’expriment sans fard, Les Ballets de Monte Carlo actuels ressemblent plutôt à une compagnie anglo-saxonne. Les voir sur scène, c’est voir un manifeste contre le formatage du corps et de la façon de se présenter. Le travail de Jean-Christophe Maillot ne cache rien des traits individuels de chacun et semble, au contraire, chercher à souligner les singularités. « Je suis ravi de voir qu’on le remarque », confirme le chef. Et c’est surtout dans son chef-d’œuvre Vers un pays sage que la différence éclate au grand jour.
Le désir des danseurs
Ils sont venus donner Altro Canto et Vers un pays sage au Temps d’aimer, à Biarritz, avec trente-sept danseurs, dont presque toutes les nouvelles recrues. Le même programme avait été présenté en juillet à Madrid, lors du premier déplacement de la troupe après le confinement. Et pour cause. « Beaucoup des nouveaux danseurs nous ont rejoint parce que leur désir était justement de danser ces deux pièces. Et nous avons amené plus de monde en tournée que d’habitude pour qu’ils puissent être sur scène. C’est absolument vital pour eux et beaucoup ont ici dansé Altro Canto pour la première fois », dit Maillot à Biarritz.
L’idée d’associer à cette pièce Altro Canto, créée une décennie plus tard, est judicieuse, dans sa correspondance sur le fond et le contraste sur la forme, entre une cérémonie nocturne et une joute lumineuse et dynamique. Les deux parlent de disparition, de transition. « Elles se répondent bien, il y a quelque chose de spirituel en chacune, dans l’évocation de la mort », confirme Maillot. Sur des musiques baroques, principalement de Monteverdi, Altro Canto rend hommage à la résilience et la force des rituels d’une communauté. Cette pièce parle d’élévation face à la mort, après la mort.
Vers un pays sage exulte l’énergie vitale sur la musique dynamique et répétitive de John Adams. Il s’agit de la pièce la plus emblématique de Jean-Christophe Maillot, créée en 1995 en réaction au décès de son père, le peintre et scénographe Jean Maillot. « Il était toujours en action et est mort brutalement. » A cette pièce aérienne, les nouveaux corps et visages de la compagnie ajoutent une présence plus terre à terre, plus véridique et une façon plus directe de la vivre. Une nouvelle lecture donc, comme si la pièce, déjà reprise par le Royal Danish Ballet, le Stuttgart Ballet, la Compagnie Grenade et le Ballet National de l’Opéra de Vienne, avait été transmise une nouvelle fois à une autre compagnie, sans quitter son lieu de naissance.
Thomas Hahn
Pièces vues le 19 septembre 2020, Biarritz, Le Temps d’aimer, Gare du Midi
Prochaines dates : du 15 au 17 octobre au Grimaldi Forum, Monaco
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